DICTIONNAIRE

DE MÉDECINE.

TOME VL

PAPJS; ~ IMPRIMERIE ET EONBERIE DE RIGNOÜX ET C«,

RÜK DES ERAR'CS-BOURGEOIS-S.-MJCHEL, N“ 8.

DICTIONNAIRE

3i8

DE MÉDECINE

REPERTOIRE GENER

DES SCIENCES MÉDICALES ib V

- n>^ g.

CONSIDEREES

SOUS LES RAPPORTS THÉORIQUE ET PRATH

PAX aOÏ. ABEtON, BÉCïAaD, A. BÉRARD, P. H. BÉRARB, BIETT, BLACHÈ, BBESCHET, CABaiElL, AL. CAZEWAVE, CHOMER, H. CLOQUET, J. CLOQÜET , COCTAWŒAÜ, BALMAS, DANCE, DESOBMEAUX, DEZEiMEBIS, P, DÜBOIS , PERRDS , CEORGET, GERDY, GÜERSENT, ÏTARD, LAGNEAÜ, LÂNDRÉ-BEAGVAIS, LAUGIER , LITTRÉ, LOUIS, MARC, MARJOLIN, MURAT, OLLIVÏEE, OREILA, OÜDET, PELLETIER, PRAVAZ, RAIGE-DELORBIE, REYNAUD, RICHARD, ROCHOUX, ROSTAN, ROUX, RULLIER, SOUSEIRAN, TROUSSEAU, VELPEAU, VILLERME.

SfeuTthnc ,

EHTIÈREMEKT REEOSDDE ET CONSIDÉRABLEMEMT AUGMENTÉE.

TOME SIXIÈME.

BRAY-CATA

.3 4 8 2 0

PARIS.

BÉCHET J»s LIBRAIRE DE LA FACULTÉ DE 5IÉDECINE,

1834,

DICTIONNAIRE

DE MÉDECINE.

B

BRAYER. On donne ce nom aux bandages dont on se sert pour maintenir les hernies après les avoir réduites. Ce mot vient, suivant Ducange, de hrachæ ou braccœ ^ parce que les bandages herniaires se placent ordinairement sous les braies.

Les diverses espèces de brayers peuvent être rapportées à deux class'es : ceux qui sont élastiques et ceux qui ne le sont pas. Ces derniers, qu’on a nommés bandages mous, sont com¬ posés de cuir, de futaine, de basin, de toile , ou de toute autre substance, et n’offrent aucune élasticité ; ils ne peuvent s’ac¬ commoder aux différences de forme et de volume que prend l’abdomen , suivant l’état des viscères qu’il renferme, et pen¬ dant les mouvemens habituels que lui imprime la respiration ; ils sont tantôt trop lâches et tantôt trop serrés ; les viscères peuvent, dans le premier cas, s’échapper au dessus de leur pelote, la¬ quelle ne bouche qu’imparfaitement l’ouverture aponévro tique et les malades qui portent de semblables bandages , surtout s’ils mènent une vie active et laborieuse , sont dans un danger continuel de voir leur hernie se reproduire et s’étrangler. Si , pour obvier à cet inconvénient , on donne au bandage un plus grand degré de constriction , il presse principalement sur les points les plus saillans du bassin , et ne peut être supporté par le malade ; ou bien la pelote , dont la pression est trop consi¬ dérable , blesse le cordon spermatique, et peut affecter le tes¬ ticule ; les tégumens deviennent rouges, douloureux, s’enflam¬ ment , s’excorient , et les malades sont obligés de retirer leur bandage jusqu’à ce que ces accidens aient été dissipés. Richter a souvent observé de graves accidens produits par cette es-

Dict. de Méd. vi. 1

BRAYÉR.

pèce de bandage , dont on se sert communément en Allemagne ; il a vu la tuméfaction douloureuse des testicules , l’hydrocèle, la circocèle, être la suite de leur application. Dans un cas , la pelote d’un bandage non élastique détermina dans la région inguinale une inflammation violenté qui se termina par la sup¬ puration ; la hernie ne reparut point après la guérison de l’ab¬ cès : il est probable que l’inflammation s’était propagée au col du sac herniaire , et l’avait oblitéré. On a aujourd’hui banni généralement l'usage de ces bandages , les seuls qui fussent connus autrefois , lorsque la fabrication de ces instrumens était abandonnée à des gens qui n’avaient aucune connaissance en mécanique, et ignoraient entièrement la structure du corps humain et la disposition des parties malades.

On a soumis aux règles ceftaines du calcul la construction des diverses parties des brayers , et tous les perfectionne- mens que prétendent aujourd’hui leur faire subir la plupart des bandagistes ne sont que des superfluités souvent plus nui¬ sibles qu’utiles.

Les bandages non élastiques sont employés quelquefois pour des enfans très jeunes, affectés de hernies congénitales , parce qu’on est obligé de les changer tous les jours, afin de tenir les petits malades dans un état de propreté convenable. Il vau¬ drait mieux , même dans ces cas , employer des bandages à ressorts d’acier , dont l’élasticité serait peu considérable ; car on ne peut jamais retirer de bons effets des bandages non élastiques.

Un bandage bien fait doit exercer une pression douce, uni- , forme et constantè sur l’oüverture aponévrotique par laquelle les viscères s’étaient échappés , sans incommoder le malade , et sans être sujet à se déranger. On ne peut obtenir ces avan¬ tages qu’avec des bandages à ressorts ; ils suivent tous les mou- vemens de l’abdomen par leur élasticité ; ils s’ouvrent et cè¬ dent quand cette cavité se distend ; ils se resserrent et restent encore exactement appliqués quand son volume diminue.

La partie la plus importante d’un bandage élastique consiste donc dans le ressort, pièce d’acier longue, étroite, et adaptée à la forme du corps. Ce ressort doit être parfaitement élas¬ tique , s’ouvrir et se fermer facilement. Le métal connu sous le nom ÿ acier d‘ Allemagne a paru le plus convenable pour faire cette partie des brayers; il doit être doux et liant, d’un grain

BRAYiËR. 3

fia , et sui'lout exempt de ce que les ouvriers nomment pailles , parce qu’ alors il est exposé à se briser très facilement. Le res¬ sort embrasse la banche du côté malade , s’étend en arrière à quelque distance au delà de la partie moyenne du sacrum , et se termine en avant par une plaque de tôle triangulaire, à an¬ gles arrondis , qu’on appelle Y écusson. Cette plaque est ordi¬ nairement fixée au ressort par dès clous rivés , et porte la peiüte qui doit appuyer sur l’ouverture du sac. Sa face anté¬ rieure , légèrement convexe , est garnie d’une ganse et de deux crochets, ayant pour but de retenir, l’un le sous-cuisse , et l’autre la courroie horizontale du bandage. La partie antérieure de l’écusson se recouvre , après que le bandeau est appliqué , avec une peau de chamois cousue à son bord supérieur, et qu’on arrête à sa partie inférieure au moyen d’un petit bouton. Cette peau est destinée à empêcher les crochets de déchirer les vêtemens du malade.

La face postérieure de î’écussôn est munie d’un coussin convexe , ou pelote , qui s’adapte par son volume à l’oüverturë qu’elle doit fermer. Le ressort , dans la plupart des brayers ^ présente d’une demi à une ligne d’épaisseur , sur sept à huit de largeur. Il est très essentiel qu’il soit partout d’une égale épais¬ seur. Il porte deux ouvertures à ses extrémités , l’une en arrière, à laquelle ôn fixe la courroie, l' autre en avant, qui reçoit l’é¬ cusson : il est garni de bourre , de crin , ou de toute autre sub¬ stance molle, élastique, et recouvert à l’extérieur avec de la peau de chamois ou du maroquin , afin qu’il ne blesse point les parties sur lesquelles il porte. Une courroie en cuir, attachée à son extrémité postérieure, embrasse horizontalement le côté sain du corps , et présente des trous faits à l’emporte-pièce, qui servent à la fixer dans un des crochets placés au devant de l’écusson. Les trous de la courroie peimettent de relâcher ou de serrer le bandage à volonté.

La longueur et la courbure du ressort seront accommodées à la largeur et à la forme des hanches du malade^ qui doivent être embrassées avec exactitude par le bandage; il faut que la pression de l’instrument soit répaftié également à tou te surface sur laquelle il est placé e et pour cela il doit porter éga¬ lement sur tous lés points.

On avarié dàns la longueur que l’on a donnée au ressort. Les uns l’ont fait de la moitié, les autres des deux tiers ou des trois

4 BRAYER.

quarts de la circonférence du bassin. Camper , dans un excellent mémoire inséré parmi ceux de l’Académie royale de chirurgie, a démontré que le ressort, pour présenter la solidité convenable, devait offrir les dix douzièmes de la circonférence du bassin, de sorte que son extrémité postérieure dépassât le sacrum , et vînt se terminer au bord antérieur de l’os iliaque , du côté op¬ posé à la hernie. Le ressort ayant cette longueur est invariable¬ ment fixé à la partie postérieure du bassin, et ne saurait se déranger ; l’extrémité antérieure , qui porte la pelote , trouve en arrière un point d’appui immobile qui assure son aciion. Aussi, malgré les objections plus spécieuses que fondées qu’on a faites au bandage de Camper, la plupart des chirurgiens le préfèrent, avec l’illustre Scarpa, aux autres espèces de brayers, même les plus vantés. La courbure du ressort n’est pas moins importante à observer que sa longueur: si elle n’est pas assez prononcée , la pelote ne peut être appliquée avec une fermeté suffisante sur l’anneau ; quand elle est trop grande , le bandage se fixe mal , se dérange très facilement, et sa pression est douloureuse. L’extrémité postérieure du ressort doit avoir sa face interne un peu dirigée en bas , tandis que l’extrémité antérieure et la pelote seront légèrement tournées en haut, afin de pouvoir s’appli¬ quer d’une manière exacte.

Un morceau de liège convexe est fixé à la partie postérieure de l’écusson, dont il a la forme ; il est garni de laine ou de crin , et recouvert de peau , afin que la pélote soit assez ferme , et présente une convexité légère et uniforme. Quand la pelote est trop molle, la pression est insuffisante; quand elle est trop dure, elle blesse les parties sur lesquelles elle appuie, ün chi¬ rurgien français , Héritz , avait proposé de substituer au crin de la pelote une vessie pleine d’air. Je ne pense pas qu’on puisse mettre en pratique une semblable proposition.

Lorsque la pelote est trop convexe, elle présente de graves ineonvéniens ; son centre presse fortementj sur le milieu de l’anneau , tandis que sa circonférence ne comprime que fort peu: aussi les parties peuvent s’échapper facilement sur ses côtés ; la pression, bien que modérée , ne tarde pas à devenir douloureuse , parce qu’elle ne porte que sur un seul point; enfin une pelote trop convexe, en poussant les parties molles externes dans l’ouverture aponévrotique , et en s’y introduisant elle- même, la distend, et prévient son resserrement, d’où dépend

BRAYEK.

la cure radicale. Une pelote qui n’est que médiocrement convexe s’applique également partout ; son action s’étend sur toute sa surface , et ne produit pas de douleur , lors même que la force et l’élasticité du ressort sont considérables.

Si la pelote était trop aplatie , elle serait également nuisible ; elle ne s’opposerait qu’imparfaitement à la sortie des viscères , et sa circonférenee comprimerait douloureusement le cordon spermatique, dans le cas de hernies inguinales chez l’homme.

Le volume de la pelote doit être suffisant pour couvrir l’ou¬ verture et la dépasser de quelques lignes. Quand la pelote a la figure convenable pour qu’elle presse également par toute sa surface , il faut nécessairement qu’elle soit appliquée per¬ pendiculairement sur le contour de l’anneau aponévrotique : pour cela il est nécessaire que l’extrémité antérieure du ressort soit légèrement tordue sur elle-même, afin que la pelote puisse s’adapter à l’obliquité de la paroi abdominale. Quand la torsion n’est pas assez grande, la partie supérieure de la pelote presse trop, et les viscères peuvent s’échapper par en bas; quand la torsion est trop considérable , la pelote ne comprime que par sa partie inférieure; elle blesse le cordon testiculaire, et les or¬ ganes abdominaux sont sujets à passer par dessus. On est quel¬ quefois obligé, dans le cas de hernies irréductibles, d’adapter au ressort des bandages une pelote creuse; ce sont ces bandages qu’on a nommés brayers à cuiller. 11 y a d’autres bandages dont l’écusson n’est qu’un cercle ovale ou un triangle d’acier fort mince, dans l’intérieur duquel on a cousu une toile couverte de chamois ; ils sont appelés brayers en raquette : on serre la courroie et le sous-cuisse de ces bandages avec beaucoup de précaution, de jour en jour, à mesure, que la tumeur diminue, et autant que le malade peut le supporter sans être incom¬ modé.

Lorsqu’on veut contenir deux hernies chez un même malade, on emploie un bandage à deux pelotes, qui tantôt sont portées sur un ressort commun , et tantôt ont chacune un ressort par¬ ticulier. Dans la première espèce de ces bandages doubles, \e res¬ sort commun embrasse le bassin dans la plus grande partie de sa circonférence, et se termine à son extrémité antérieure par deux écussons garnis chacun d’une pelote pour la hernie cor¬ respondante. Ce bandage est sujet à se déranger, et la pression exercée par les deux pelotes n’est point égale : celle qui est

bkayer.

portée à l’extrémité du ressort, étant soutenue par une branche de levier plus longue que l’autre , résiste moins efficacement au déplacement des viscères; de plus on n’est point maître de gra¬ duer la pression, de l’augmenter ou de diminuer, suivant que l'une des tumeurs a plus ou moins de tendance à s’échapper que l’autre : il vaut mieux employer le bandage double de la seconde espèce ; dans celui-ci chacune des pelotes est portée sur l’extrémité antérieure d’un ressort qui lui est propre , et qui embrasse l’un la partie droite, et l’autre la partie gauche du bassin ; ces ressorts se réunissent en arrière par une cour¬ roie, et sont garnis dans le mênae sens d’un petit coussin qui empêche leur pression d’être douloureuse; en avant, les deux pelotes sont maintenues au moyen d’une courroie qui passe de l’une à l’autre , et peut les rapprocher ou les éloigner suivant le besoin, au moyen de trous dont elle est percée, et qu'on engage dans les crochets des écussons.

Quelque bien construit que soit un bandage herniaire , il est , rare qu’il ne se dérange pas , et que la pelote ne remonte pas ~ au dessus de l’anneau , ou ne descende au dessous pendant cer¬ tains] mouvemens du corps : le déplacement, dans le premier sens , s’observe surtout chez les personnes mâigres , et dont l’abdomen est aplati ; l’autre , au contraire , est -produit par l’em¬ bonpoint trop considérable du ventre. Pour obvier à cet incon¬ vénient , dans ïe premier cas , on retient la pelote en bas , au moyen d’un sous-cuisse ou bande de peau ou defutaine, qui passe de la partie postérieure du ressort sous la cuisse du côté ma¬ lade, et vient s’attacher à la plaque sur l’un des crochets dont elle est pourvue. M. Verdier, chirurgien herniaire des hôpitaux de la marine, a fait construire un petit anneau élastique qu’il fixe à l’écusson, et au moyen duquel le sous-cuisse ne saurait se détacher, comme cela arrive quelquefois pour les bandages ordinaires. Dans le second, il peut devenir nécessaire d’user d’un scapulaire élastique. ^

Quand on veut prendre la mesure d’un bandage , on passe horizontalement un cordon autour du bassin, depuis le point les viscères font hernie , jusqu’à l’endroit doit se pro¬ longer le ressort. Afin d’obtenir une figure plus exacte des contours du bassin , on emploie quelquefois un fil métallique flexible , de plomb ou de fer recuit , par exemple , qui peut se mouler exacterneat à la forme des parties qu’il embrasse. Quand

BSIAYKK.

le ressort est fait, on doit l’essayer sur le malade avant de le tremper, afin de s’assurer s41 s’adapte bien à la configuration du bassin. Dans tous les cas, il faut lui donner environ un pouce, de longueur au delà de la mesure obtenue , à cause de la diffé¬ rence qu’apportent les enveloppes dont on le garnit.

Pour qu’un bandage remplisse bien le but qu’on se propose en l’appliquant , il faut donc que le ressort , doué d’une force suffisante , s’applique dans toute son étendue sur les parties ; qu’il ne soit pas sujet à se déranger, et que la pelote soit par¬ faitement adaptée , pour sa forme et sa direction , à l’espèce de hernie qu’il doit retenir réduite.

La force de pression est proportionnée à l’épaisseur , à la lar¬ geur du ressort et à la manière dont il est trempé. Sa trempe ne doit pas être trop’ sèche, parce qu’il serait sujet à se rompre, et pourrait ainsi permettre à la hernie de sortir et de s’étrangler, comme on en possède beaucoup d’observations. Les petites her¬ niés, et celles dont sontincommodés les enfans et les personnes qui mènent une vie tranquille, peuvent être retenues par un bandage plus faible que celui qu’on met en usage dans des cir¬ constances opposées. En général,- il faut un ressort plus fort pour retenir une épiplocèle qu’une hernie intestinale-, parce que l’épiploon a plus de tendance à s’échapper que l’intestin. Quand la herme est ancienne et volumineuse, et que le malade, par état, est obligé de se livrer à des exereices pénibles, il faut donner beaucoup de force au brayer. Si la hernie réclame un ressort dont la pression soit assez considérable pour produire de la douleur d'ans le cordon testiculaire , la pelote sera munie à son extrémité inférieure d’une échancrure pour loger cette partie.

La position que le ressort occupe sur le côté de la hanche est essentielle à observer. Pour prévenir les dérangemens qui pour¬ raient survenir dans les mouvemens du tronc et de la cuisse , il faut que le bandage passe au milieu de l’espace qui se trouve entre le grand trochanter et la crête iliaque.

Les bandages herniaires offrent quelquefois une pelote mo¬ bile sur le ressort, au lieu de lui être rivée. Cettè pelote peut être inclinée en haut ou en bas , suivant la forme de l’abdomen et la direction de l’anneau aponévrotique ; qn la retient dans la position désirée au moyen d’un petit ressort qui s’engage dans les dents d’un cric ; d’antres fois l’écusson est garni d*ù«e

BRAYEK.

vis et d’un écrou , au moyeu desquels ou peut à volonté éloi¬ gner ou repousser la plaque. On a encore imaginé une foule de modifications différentes dans la forme , la direction, la cons¬ truction de la pelote; nous ne les rapporterons pas ici, étant convaincu par l’expérience qu’un bandage bien fait remplit toutes les indications qu’on se propose par ces instrumens com¬ pliqués, et doit en conséquence leur être préféré. On a cherché aussi différens njoyens pour augmenter , suivant le besoin , la longueur et la force de pression du ressort : lès plus habiles bandagistes de Paris, tels que MM. Lacroix, Verdier, Lafond, etc., ont inventé , pour remplir ce but , des moyens plus ou moins avantageux, qu’il serait trop long de vouloir comparer ici les uns aux autres. Les bandages qu’on appelle, otnniformes , re- nixigrades , etc., sont plus chers que les bandages ordinaires, et d’un emploi plus difficile , à raison de leurs complications. Les bandages anglais de Sahnon, Ody et Wickan, sont d’une construction ingénieuse. Ils se composent d’un ressort d’a¬ cier qui n’offre qu’une seule courbure , et dont on peut aug¬ menter la force au moyen de lames supplémentaires qu’on in¬ troduit dans la gaine de maroquin dont il est entouré ; chaque extrémité du ressort se termine par une pelote mobile, au moyen d’une articulation en genou. Ces pelotes , dont l’une se place sur le sacrum et l’autre sur l’ouverture herniaire , se portent dans toutes les directions , et s’accommodent aux divers chan- gemens et formes que peut prendre l’abdomen ; elles peuvent être éloignées ou rapprochées, et fixées au moyen d’une vis. Les bandages de Burat frères ont avec les précédens beaucoup d’analogie , mais ils sont plus parfaits : le ressort partage les trois courbures du brayer ordinaire , de sorte que chaque ban¬ dage ne peut servir que du côté’pour lequel le ressort est forgé ; en outre le ressort fait plus de la moitié de la circonférence du bassin; il passe au devant du pubis pour contourner la han¬ che du côté sain. Ces différens bandages se maintiennent appli¬ qués sans sous -cuisse. Plusieurs malades, qui ne pouvaient supporter le brayer ordinaire, se sont servis de ceux-ci , sur¬ tout de ceux de Burat, avec avantage ; cependant il faut encore attendre de l’expérience pour décider de leur valeur compara¬ tivement à celle des bandages ordinaires.

On place au dessous de la pelote une compresse de linge fin plié en plusieurs doubles , afin de la garantir de l’action de la

BKAYEll.

sueur, de la coasei’ver et d’entretenir la partie dans un degré de propreté nécessaire. On a proposé , pour éviter les effets de la transpiration, qui ne manque pas de rouiller le ressort, de recouvrir le bandage avec de la peau de lièvre ayant le poil en dehors, ou bien avec du taffetas gommé. M. Lasserre, fabricant d’instrumens de gomme élastique, vient de construire des ban¬ dages herniaires recouverts d’un enduit imperméable ; de sorte qu’on peut les laver pour les nettoyer , et que les malades peu- . vent ne point les quitter dans le bain. Ces bandages élastiques seront , je pense , d’un usage extrêmement avantageux pour maintenir les hernies chez les enfans très jeunes.

Quand la pression de la pelote produit de la rougeur, de la douleur, et même l’excoriation des tégumens, les chirurgiens anglais se servent, pour remédier à ces inconvéniens , de la terre cimolée ou de la pierre calaminaire en poudre, qu’ils appliquent sur la partie malade.

La pelote du bandage doit être placée sur l’ouverture qui a donné issue aux parties. Dans les hernies inguinales, il faut la mettre en dehors du pubis et au-dessus de cet b s ; dans les her¬ nies crurales , c’est au pli de la cuisse, au dessous de l’arcade crurale. Pour les hernies crurales , la partie antérieure du res¬ sort, qu’on appelle le col, et qui soutient la pelote, devra être un peu plus inclinée en bas que pour les hernies inguinales.

Quand on veut faire l’application d’un bandage , on le place autour du bassin, et on fait coucher le malade. Après avoir réduit exactement par le taxis toutes les parties déplacées, on presse sur l’ouverture aponévrotique avec une main , tandis qu’avec l’autre on amène la pelote pour l’appliquer sur la même région : quand la pelote est placée , on la sou¬ tient jusqu’à ce que le reste du bandage soit ajusté, et que la courroie soit fixée à l’un des crochets de l’écusson; on ra¬ mène ensuite le sous-cuisse d’arrière en avant sur la cuisse du côté malade, pour l’arrêter à l’autre crochet de l’écusson. Le malade suivra les mêmes préceptes quand il s’appliquera lui- même le bandage. Le temps le plus convenable pour cette ap¬ plication est le matin, avant de sortir du lit, parce que les vis'cères rentrent dans l’abdomen pendant la nuit, et que la , réduction se trouve toute faite. Cependant M. Blin , bandagiste des hôpitaux , qui place chaque année plusieurs milliers de bandages, aime mieux procéder à celte application eu faisant

10 BRAYEK.

mettre le malade debout devant lui. Dans cette position il ré¬ duit la hernie, et tandis qu’une main appuyée sur l’ouverture herniaire maintient les viscères réduits , il ramène de l’autre la pelote sur cette ouverture. Tous les chirurgiens du bureau central ont pu voir avec quelle facilité et quelle promptitude M. Blin procède à cette opération , même dans le cas de hernie double.

Lorsque le bandage est appliqué , le chirurgien fait lever le malade, examine avec attention l’instrument dans tous ses points, pour s’assurer si la peau n’est pas pli.ssée , pincée ou trop comprimée dans quelques endroits. Il engage le malade à tousser, à marcher, à se lever et s’asseoir , à faire quelques efforts , pour s’assurer si les parties sont bien retenues , et si le bandage ne se dérange point. S’il se présente quelques défauts dans la confection du bandage ou dans la manière dont il est appliqué, il est facile de les reconnaître et dy remédier

Lorsque les viscères sont bien maintenus par le bandage , le malade peut sans inconvénient reprendre ses occupations ordi¬ naires. Cependant il ne doit pas perdre de vue son infirmité , et devra s’abstenir, autant que possible, de faire des exercices violens et des efforts. Quelques malades trouvent d’abord ex¬ trêmement pénible la pression d’un bandage, quoiqu’elle ne soit pas plus forte qu'il est nécessaire. Dans ces cas, on peut leur faire porter un bandage faible pendant une heure ou deux chaque jour, et augmenter peu à peu la durée de cette appli¬ cation, jusqu’à ce que l’habitude l’ait rendue supportable.

Les bandages élastiques , non-seulement retiennent exacte¬ ment les viscères dans la cavité abdominale , et préservent les malades des dangers auxquels ils seraient exposés s'ils n’eu fai¬ saient pas usage, mais ils peuvent aussi favoriser la cure radi¬ cale de la maladie. {Voy. le mot Hernie.)

Les malades devrontporter leurs bandages sans interruption ; ils devront avoir au moins deux brayers, afin de les ehanger de temps à autre. Quand l’enveloppe est usée et devenue irri¬ tante par la perspiration qui l’imbibe , elle doit être renouvelée.

Quelque bien construit et appliqué que soit un bandage her¬ niaire , il n’empêche pas toujours les viscères de se déplacer ; quelques circonstances peuvent le déranger, et l’épiplopn ou l’intestin peuvent glisser sous la pelote. C'est pour cela que le

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BRAYEK (histoire ET BIBLIOGR.). malade devra presser avec la main sur la pelote , quand il sera obligé de faire quelque effort. Quand déplacement arrive, il faut qu’il retire sur-le-champ le bandage, qu’il se couche , qu’il réduise lui-méme les parties , ou qu’il envoie chercher son chi¬ rurgien. 11 faut que le malade porte son bandage sans inter¬ ruption ; qu’il ne le quitte pas, même pendant la nuit Lorsqu’il le retire en effet, les viscères, n’étant plus soutenus, peuvent s’échapper ; leur sortie est, dans ce cas , d’autant plus dange¬ reuse, que la pression de la pelote a permis au col du sac her¬ niaire de se resserrer, de s’épaissir, et que leur étranglement doit en être le résultat presque, inévitable.

On a encore eonstruit d’autres bandages et ceintures her¬ niaires pour les autres espèces de hernies ; nous les examinerons en parlant de chacune de ces maladies en particulier. {Voyez le mot Hernie.) J. Cloquet.

Il est naturel de penser que le premier traitement des hernies dût consister dans l’emploi d’un moyen quelconque de compression ca¬ pable de fermer le passage à la sortie de l’intestin par l’anneau. Celse est néanmoins l’auteur le plus ancien chez lequel se trouve indiqué l’emploi d’un bandage herniaire- C’était une bande au bout de la¬ quelle on cousait une pelotte de linge, qu’on appliquait sur l’ouver¬ ture qui donnait issue aux parties , et l’on serrait étroitement la bande autour du corps. Souvent parce moyen, dit Celse, l’intestin est repoussé en dedans , et les membranes s’agglutinent entre elles (fielsi, de Re medicâ, lib; vu , cap. 20 ). Ce passage renferme tout ce que nous pouvons savoir de la forme et de l’usage des brayers dans l’an¬ tiquité. Car à quoi bon citer ici, à l’exemple d’un auteur allemand (in Rust’s Handbuch der Chirurgie'j les noms de Héron , Gorgias , Sos- tratus , Perigenes , Amyntas et Nymphodorus, chirurgiens d’Alexan¬ drie , desquels il ne nous reste pas un mot qui s’applique à notre su¬ jet? Il n’est pas plus nécessaire de citer les auteurs arabes, ouïes chirurgiens du moyen âge , entre les mains desquels l’art du banda- giste ne fit aucun progrès qui nous soit connu , et encore moins les statuts de la communauté Aes Boursiers de Paris , et les ordonnances de divers rois qui leur conféraient le privilège de construire seuls des bandages. Ces documens nous montreraient, ce qu’on ne sait que trop sans cela, que l’art de faire des brayers conserva toute sa gros¬ sièreté tant qu’il fut la propriété de ces artisans ignorans. Toutefois , après avoir traversé cette époque obscure , l’art du bandagiste nous arrive enrichi , si l’on peut ainsi parler , de la connaissance des ban¬ dages durs, construits avec du bois ou du fer. Au temps de Blegny, le premier chez lequel on trouve des bandages élesticjues ou à res-

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BKAYEK (hISTOIHE £T BIBUOGR.). sort {V Jrt de guérir les hernies ; Paris, 1676), il y avait deux sortes de brayers, les uns en aeier, ies autres en fil de fer, disposés sous la forme d’une bande large d’un doigt, et assez longue pour ceindre les deux tiers du tour du corps. Blegny chercha à les rendre plus souples , moins susceptibles de déplacement, moins lourds, et surtout à en ob¬ tenir une compression élastique sur le lieu de la hernie, soit au moyen d’une sorte de ressort à boudin , soit avec des écrous à vis de pres¬ sion , et en faisant la ceinture en acier battu à froid et flexible.

Au milieu du siècle dernier , Arnaud s’occupa beaucoup et de la chirurgie des hernies et de la construction des bandages ( Traité des hernies). 11 fut plus heureux dans la première de ces études que dans l’autre. Le plus grand défaut de ses brayers consiste en ce qu’il regardait comme faisant leur principal mérite. Composés d’acier et de fer battus à froid, ils étaient assez flexibles pour pouvoir, comme il le dit, être tournés à la main, et façonnés ainsi aux diverses formes qu’on voulait leur faire prendre ; c’était presque réduire leur action à celle des bandages mous. On oublia , presque aussitôt après leur in¬ vention , les brayers non élastiques avec une pelotte d’ivoire de Fau- vel {Joum. de méd. , t. n. Missa, Thés, infra citand. ) ou de Le Chandelier, avec un .bouton de bois de noyer à deux têtes {Jourh. de méd. , t. IX ). L’horloger Blackey, de Paris , y employa le premier les ressorts de pendule, et obtint, en 1759, du Collège de chirurgie , le privilège de les construire et de les appliquer. Heritz Laval, en 1771 {Journ. de méd. , t. xxxvi ), et, quinze ans plus tard , le docteur Mousa {elastico Compressore , etc. ), proposèrent des pelottes remplies d’air : celles du dernier étaient de gomme élastique. S’il ne fallait que de l’é¬ lasticité dans le compresseur, ceux-ci ne laisseraient rien à desirer; mais c’est la solidité qui leur manquait. Camper publia {Mém. de l’Acad. de chir. ) des idées justes sur les principes de la construction des ban¬ dages ; mais il se trompa en croyant donner plus de force au sien par le prolongement de l’arc qui le constitue au delà du point d’ap¬ pui qu’il doit prendre sur la ligne de la colonne vertébrale. Juville apprécia avec justesse le mérite et les défauts des bandages qu’on avait connus avant lui ; il en modifia plusieurs d’une manière avan¬ tageuse, et en donna de bonnes figures ( Traité des bandages herniaires ; Paris, 1781, in-S»). 11 va de pair, sous ces divers rapports, avec Richter. et le surpasse pour les figures. 11 reste encore à signaler, dans le der¬ nier siècle , Weissenborn , qui vanta un bandage de son invention , dont la pelote aune élasticité séparée de celle du fer , et avec lequel il assure avoir guéri radicalement des hernies chez des personnes au dessus de trente ans {Beschreibung einer neuen Art elastischer Bruchbün- der, etc. ) ; mais il faut mentionner en même temps la critique qu’en fit Quentin , en publiant la description du bandage de Savigny, de Londres {Diss, de divisionibus heruiarum. Gottingue , 1794, in-4“)*

BRISTOI (eaux minée. DE ). 13

Tout ce qui s’est fait dans notre siècle sur ce sujet sort du domaine de l’histoire , et a trouver sa place dans l’article qui précède.

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Foyez la bibliographie des articles Bandages , Hernies.

Dez.

BRISTOL (Eaux minérales de). Ces eaux, situées , comme celles de Batli, dans le comté de Sommerset, sont également thermales. Mais leur température est beaucoup moins élevée ; elle ne dépasse pas 76“ ih. de Far. Elles sourdent d’un terrain calcaire, et contiennent, d’après l’analyse faite par le docteur

■14 BEOMÈ (chimie).

Carrick , de l’acide carbonique , des muriates de magnésie et de soude, sulfate de soude et du carbonate de ehaus {Annal.

cA/nue, t. xivi, p. 114). Suivant le docteur Parr {the Lond. Meâ. Dictio'nary) , ces eaux conviennent dans le cas les sécré¬ tions sont trop abondantes, contrairement aux eaux de Bath, qui sont plus propres lorsque lës séerétions sont en défaut. Les premières ont la vogue dans les maladies des voies diges¬ tives; les secondes, dans les affections des poumons,- des reins et de la -vessie. Quoi qu’il en soit , les principes peu abondan’s qu’elles contiennent font qu’elles ont peu d’ activité. leUr attribue de l’efficacité dans les cas d’hémorrhagie interne, de menstruation excessive , de diarrhée chronique , de flueurs blanches; dans l’hémopthysie, la dysentefiè, lés suppuràtions d’orgaUes internes , phthisie , l’hydropisie , le scorbut aigu , les affections calculeuses , goutteuses , les fièvres nerveuses , les scrofules , etc. Elles sont même considérées comme spéci¬ fiques du diabète. Le docteur Parr, qui mentionne ces nom¬ breuses propriétés thérapeutiques des eaux de Bristol, pense, que plusieurs de cés assertions sont tout-à-fait ridiculeà, d’après les qualités sensibles dè-ces eaux. C’eSt dans les mois les plus chauds de l’année qu’on en fait usage. Les eaux de Matlock, qui n’ont que 66 à 68° de température, ont, suivant le mèmè auteur, tout-à-fait les mêmes propriétés. R. D.

BROME. § 1. Considérations- chimiques. Le brome est un corps simple qui a été découvert par Balard, de Montpel¬ lier, en 1826, lorsqu’il s’occupait de recherches sur les eaux- mères des marais salans. Il le nomma brome , de , féti¬

dité, à cause de l’odeur forte et désagréable qu’il exhale. On l’a trouvé depuis dans presque toutes les salines du continent, il paraît existér à l’état de bromure de màgnésium.

Le brome, par l’ensemble ses propriétés, se rapproche singulièrement du chlore et de l’iode. 11 y a une extrême simi¬ litude de propriétés entre ces trois corps , de telle sorte que l’histoire de l’un se calque le plus souvent sur celle des autres, si l’on tient compte d’ailleurs de leur différence d’énergie chimique. Le chlore est un agent plus puissant que le brome et l’iode, qu’il déplace de leurs combinaisons ; et le brome joue le même rôle par rapporta l’iode. C’est même sur cette affinité plus puissante du chlore qu’est basé le procédé d’extraction indiqué par Balard.

. ËROaiE (chimie). 15

Le brome est un liquide d’nn rouge noirâtre quand il est vu en masse, et d’un rougehyaeinthe quand on l’interpose en couches minces entre l’œil et la lumière; son odeur est forte et désa¬ gréable, et ressemble à celle du chlore. Sa saveur est des plus fortes. Il tache la peau en jaune, et la couleur disparaît d’elle- même; à moins que le contact du brome n’ait été prolongé. Sa densité est de 2,966. Il se solidifie par un froid de 20", et à 12 il reste encore long-temps solide. Il se volatilise aisément en donnant uné vapeur rutilante très foncée. Cette propriété est cause que l’on perd beaucoup de brome chaque fois que l’on débouché un flacon qui le contient, et pour éviter en grande partie cette perte on le conseire sous l’eau. Il entre en ébullition à -H 47°. La densité de sa vapeur est 5,3933. Cette vapeur éteint les bougies après les avoir fait brûler pendant quelques instans , avec une flamme rougeâtre à la partie supé¬ rieure et verte à la base.

Le brômé est un peu soluble dans l’eau, et la dissolution a une couleur jaune ; à une. température de 4" il peut former avec l’èau une combinaison solide.

L’oxygène n’a pas une action directe sur le brome; mais, lorsque le brome agit sur les dissolutions alcalines, il se fait une réaction complexe, d’où résulte un bromure métallique et un brômate.

Le bfôme, à l’état naissant, peut se combiner à l’hydrogène et donner naissance à un corps gazeux, l’acide hydrobromique, qui a la plus grande analogie avec l’acide hydrbchlorique. Le brome a été combiné au chlore, à l’iode, au soufre, au phos¬ phore. Il peut également former des combinaisons avec tous les métaux. Comme le chlore, il blanchit les substances végé¬ tales colorées; comme lui, il attaque les matières organiques, et il se tpansforme en acide hydrobrômique. Il forme avec l’amidon un composé jaune que le chlore décompose.

Acide brômique et hrùmates. L’acide bromique est la seule combinaison connue du b.rôme avec l’oxygène ; cependant Lowig assure que l’on obtient dés composés analogues aux chlorites quand le brome agit sur la chaux, ou sur des dis¬ solutions étendues de potasse ou de soude. Il existerait alors un acide ' brômeux ; mais ses propriétés ne nous sont pas connues. On obtient l’acide brômique en versant peu à peu de l’acide sulfurique dans une dissolution aqueuse de

16 BROME (chimie).

brômate de baryte, ou en précipitant la potasse du brômate de potasse par l’acide fluorique silicé. Dans l’un et l’autre procédé on évapore la dissolution étendue que l’on obtient jusqu’en consistance sirupeuse. L’acide bromique est liquide, et sous cet état il contient de l’eau. Sa saveur est très acide et non caustique. Il est à peine odorant. Si on cherche à le concentrer, bientôt il se décompose en oxygène ou brome. Une partie d’acide se volatilise toujours sans avoir été dé¬ composé. ' Il rougit le papier tournesol, dans le premier mo¬ ment, et le décolore ensuite. Les acides nitrique et sulfurique ne le décomposent pas, seulement l’acide sulfurique concentré s’empare de l’eau et détermine la séparation des deux élémens constituans de l’acide bromique. L’acide sulfureux, l’acide phosphoreux, et les hydracides le décomposent en séparant du brome. Il précipite les sels d’argent, les solutions concentrées de plomb et le protonitrate de mercure. L’acide bromique est composé de 66,177 de brome, et de 33,823 d’oxygène, ou'de deux volumes de vapeur de brome, et de cinq volumes d’oxygène, composition pareille à celle de l’acide chlorique. L’acide bro¬ mique se combine très bien aux bases, en formant des sels neutres dans lesquels l’oxygène de la base combinée à 100 par¬ ties d’acide en 6,764; ou, en d’autres termes, l’oxygène de la base est à l’oxigène de l’acide comme 1 : 5. On reconnaît aisé¬ ment les brômates à la faculté qu’ils possèdent de jaunir et de laisser dégager du brome quand on fait agir sur eux les acides sulfureux, l’hydrogène sulfuré, l’acide hydrobromique et l’a¬ cide hydrochîorique. Ils activent la combustion à la manière des chlorates , et ils donnent par la chaleur un bromure et de l’oxygène. Ces sels sont encore peu connus. On sait qu’un assez grand nombre sont solubles.

Acide hydrobromique et bromures. L’hydrogène et le brome se combinent difficilement. La lumière solaire ne détermine pas leur union, mais elle a lieu par l’effet d’une température élevée. Cependant l’affinité de ces deux corps est énergique, car le brome enlève l’hydrogène à tous les corps , excepté au chlore et au fluor. On se procure d’ailleurs plus facilement l’acide hydrobrômique par une autre méthode : on mêle du brome a du phosphore sous l’eau; il se produit un bromure de phosphore qui décompose l’eau, d’où résulte l’oxygénation du phosphore et la transformation du brome en acide hydro- bromique.

17

BR09IE ( CHIMIE ).

L’acide hydrobi'ômique est incolore. Il répand à l’air une fumée épaisse en se combinant avec la vapeur d’eau atmosphé. rique. Sa densité est 2,731 ; son odeur est très piquante; sa sa¬ veur est très acide. La chaleur ne le décompose pas. L’oxygène est sans action sur lui. Il est décomposé par le cblore, qui sépare le brome et s’empare de l’bydrogène.

Le gaz bydrobrômique est très soluble dans l’eau , et celle-çi le retient plus fortement qu’elle ne retient l’acide bydrocblo- rique. Hermann a profité de cette propriété pour son extrac_ tion. L’acide liquide répand des fumées à l’air quand il est con_ centré. Il est décomposé par l’acide nitrique, et il se fait une espèce d’eçiu régale qui peut dissoudre les métaux nobles.

L’acide bydrobrômique est composé de 98,73 de brome, et 1,27 d’bydrogène, ou, en volume, del de vapeur de brome, et de 1 d’bydrogène , constituant deux volumes de gaz acide. C’est une composition pareille à celle de l’acide bydrocblorique.

Quand l’acide bydrobrômique agit sur un métal, il est dé¬ composé si le métal appartient à la série des métaux qui décom. posentl’eau. 11 se dégage de l’hydrogène, et il se fait un brômure métallique. Quand on se sert d’acide liquide , la nouvelle com¬ binaison reste en dissolution , et on peut le considérer indiffé¬ remment comme un brômure uni avec de l’eau ou comme un composé d’oxyde métallique et d’àcide bydrobrômique. La même incertitude règne relativement à la nature des com¬ posés qui se forment quand l’acide hydrobromique agit sur un oxyde. Il est une seule circonstance l’opinion est forcée -, c’est quand le composé ne contient pas les élémens de l’eau ; alors il est évidémment un brômure ; mais quand celui-ci est en dissolution, ou quand il renférme de l’eau de cristallisation , l’on n’a pas de données suffisantes pour affirmer la manière dont les élémens sont combinés. Les brômures sont combinés de telle manière qu’une quantité de métal qui prendrait 10 parties d’oxygène s’unit à 93,83 de brôme. Dans les hydro- brômates , l’oxygène de l’oxyde et l’hydrogène de l’acide sont dans un rapport tel qu’ils formeraient de l’eau en se com¬ binant.

Les brômures ont la plus grande ressemblance avec Les chlo¬ rures. On les en distingue en faisant fondre , dans un tube de verre, un brômure avec un peu de bisulfate de potasse. Il se Vicf. de Méd. vi. 2

18 EKOBJE (tOXICOI.)-

dégage de l’acide sulfureux et du brome, et la couleur rouge de ee dernier le fait facilement reconnaître, Quand un bro¬ mure est dissout, il est facilement distingué par la propriété de donner un précipité d’un jaune pâle dans les dissolutions acides d’argent, et parce que le chlore en isole du brome qui peut être enlevé par l’éther , auquel il communique une cou¬ leur orange.

Les hrômures ont encore été assez imparfaitement étudiés, et il en est un asse? grand nombre qui nous sont tout-à-fait in¬ connus; mais' on peut se faire une idée générale assez exacte de leurs propriétés en les comparant aux chlorures, avec les¬ quels ils montrent une extrême analogie. Les bromures des métaux terreux et alcalins sont solubles dans l’eau. Il en est de même des bromures de fer, d’étain, d’or, de potasse et du bibrômure de mercure,

Les bromures de bismuth et d’antimoine décomposent l’eau en donnant un précipité d’oxido-brômure , et une dissolution d’acide hydrobromique , retenant du bromure métallique ou dissolution. Les bromures mercureux et ârgentique ne se dis¬ solvent pas dans l’eau ; celui de plomb y est très peu soluble.

Quelques bromures sont volatiles: tels sont celui deglucium, les deutobrômures d’étain et de fer, les bromures de bismuth, de mercure et d’antimoine. E. Soübejiun.

§ II. Des effets toxiques nu brome, —, G’ est à M- Barthez que l’on doit à peu près tout ce que l’on sait aujourd’hui des pro¬ priétés toxiques du brome, et de son action sur l’économie animale. C’est lui qui, le premier, s’est occupé. de cette étude; il a fait connaître le résultat de ses recherches dans sa Thèse inaugurale (Paris, août 1828 ). J’ai emprunter à ses expé¬ riences la plupart des matériaux qui composent cet article.

Le brome, sous le rapport toxicologique , présente naturelle¬ ment avec l’iode la meine analogie qu’on a signalée plus haut ; comme lui , QU peut le ranger parmi les poisons irritans. Douze gouttes parfaitement dissoutes dans l’eau, et injectées dans la veine jugulaire d’un chien , amènent presque immédiatement la mort ; il survient de la to.ux la circulation et la respiration s’accélèrent, la pupille est dilatée ; il y a érection de la verge, excrétion des matières fécales, et quelquefois extension simul¬ tanée des membres thoraciques et pelviens. A l’autopsie , faite

19

•BROME (tOXICOL. ).

quelques heures aprè% la mort, M. Barthez a trouvé les oreil¬ lettes et les ventricules remplis de sang coagulé, les poumons gorgés de sang; la veine cave présentait des grumeaux de sang noir, et dans l’estomac et les intestins on voyait des petits cy¬ lindres sanguins noirâtres , semblables , pour l’aspect et la grosseur, aux cylindres de nitrate d’argent fondu.

La même dose, introduite dans l’estomac, amène la mort le troisième ou le quatrième jour, si on a lié l’œsophage; mais il faut 50 ou 60 gouttes pour faire périr l’animal, s’il peut vomir. Le poison agit avec moins d’intensité quand il est pris avec des alimens, et lorsqu’il a été mêlé avec du lait ou avec une liqueur animale, parce qu’il est converti en acide hydro- brômique ; il détermine de l’agitation, de la toux , des nausées^ des vomissemens; on remarque une succion continuelle de la langue , et souvent un malaise extrême et un affaissement gradué jusqu’à la mort. A l’autopsie, on a trouvé l’estomac contracté, la membrane muqueuse plissée, quelquefois ra¬ mollie, et souvent parsemée d’ulcérations ovales, d’un gris cendré, dont plusienrs très petites et très multipliées. M. Bar¬ thez a trouvé vers le pylore des taches noires, luisantes, qui se' laissaient facilement enlever avec le dos du scalpel , et à la place desquelles on apercevait un ulcère gangréneux.

Le brome peut être mélangé avec du café ou une infusion de thé, dont il fonce légèrement la couleur ; avec le vin, qu’il trou¬ ble peu et qu’il finit par décolorer en partie au bout de quelque temps ; avec le bouillon, auquel il se mêle difficilement et qu’il altère peu. Mêlé avec du lait , il agit à la manière des acides ; il le coagule à une température au dessus de 20°, et fait naître des grumeaux jaunes, qui deviennent blancs par l’agitation. Le brome se transforme en acide hydrobrômique, qui se com¬ bine avec le coagulum.

Quel que soit le liquide avec lequel le brome aura été mé¬ langé, on le traitera par une solution de potasse à l’alcool ; puis, évaporant jusqu’à siccité, on traitera le résidu par le nitrate d’argent. Il se formera un précipité jaune A&brômure d’argent, insoluble dans l’acide nitrique, et soluble dans l’ammoniaque. Traité par le chlore gazeux, il se colorera en rouge ou en jaune rougeâtre (brome mis à nu). Si Ton y verse alors un peu d'éther et si Ton agite légèrement, le liquide sera décoloré , tandis que Téther formera une couche de dissolution de brome

20;.. •' BROME (tOXICOL.J>’ '

colorée, dans laquelle quelques gotÿtes -^elipôtasse iversées, s’empareraient dubrôme pour former düiisœpjge de ipot-^sium.

Les moyens à employer dans rempot|j^nnémèn,t^j>ar le, brome sont encore peu connus. M. Barthez a recomman3^1aîm<7g'«e«e. H n’appuie d’ailleurs cette opinion que sur un seul' fait.; il n’y aurait aucun inconvénient à avoir recours à cet antidote en même temps qu’aux émolliens et aux antiphlogistiques.

\! hydrobrôrnate de potasse détermine les mêmes symptômes , mais avec moins de force ; pour amener la mort chez les chiens ^ il faut un gips ët demi ou deux gros. L’animal paraît souffrir ; il est .^'itév/mais peu à peu il tombe dans l’affaissement. Cepen- dant‘’J''quqiqii’à faible dose, ce sel paraît avoir une action très énergiqpéï sur l’estomac de l’homme.

L’hÿdëobrômate aurait pu d’autant mieux être mêlé au vin , a'ù'cafç4\Ou à tout autre liquide, qu’il n’en altère pas la cou- leùr.'-lSà disssolution précipité en jaune rougeâtre par l’acide shlfürique ou nitrique , en blanc par le nitrate d’argent, en jaune* serin par l’hydrochlorate de baryte, en jaune rougeâtre par le chlore , en blanc jaunâtre par le proto-nitrate de mercure. Si le liquide était coloré, pour enlever la matière colorante, il faudrait se garder d’employer le chlore, qui décomposerait le s^^ mais évaporer le liquide jusqu’à siccité, décomposer par le feu les matières végétales et animales, et traiter le résidu par l’eau distillée.

Il n’y a pas d’antidote connu pour l’hydrobrômate de po¬ tasse. Il faut provoquer le vomissement , s’il n’a pas lieu , et insister sur les antiphlogistiques.

M. Barthez a encore expérimenté les effets toxiques du cya¬ nure de brome, du bromure de mercure, du bromure d’arsenic. Il résulte de ses recherches que le cyanure de hrôme doit être, rangé, comme le cyanure d’iode, parmi les poisons narcotico- âcres. Injecté dans le tissu cellulaire d’un chien , à la dose de 5 à 8 grains, il détermine une paralysie générale et presque complète ; la pupille est dilatée , les yeux sont muets et fixes , la mort est imminente. Dans l’estomac des chiens, il ne déter¬ mine la mort qu’à la dose de 4 à 6 grains.

Le deuto-brômure de mercure est un poison corrosif, comme le deuto-chlorure. Il amène la mort, en agissant principalement sur le canal intestinal ; son action est très énergique quand l’estomac est vide. Les moyens à employer dans le traitement

21

BROME (tHÉRAP.)..„ , rempoisonnement :par le bromure de>- mercure sojat les inémes que pour le dèuto-chlorure. M. Barthez pense qüéj’al- bumine détruit ses effets toxiques. ••

Vom Xébrômure d’arsenic, M. Barthez rapporte une seule ex¬ périence. 11 a fait tomber dans la gueule d’un lapin unè goutte de bromure d’arsenic ; à l’instant l’animal a poussé un cri aigu; il a été agité , et est mort quatre heures après.

§ III. Effets thérapedtiqdes du i^ômb. Les propriétés: é^^r- giques du brome et son analogie avec l’iode semblaient pré¬ dire les avantages que l’on pourrait en obtenir dans son ap¬ plication à la , thérapeutique. M. Fourché, le premier, l’a employé dans le traitement des scrofules avèe de véritables succès {Éphémérides de Montpellier, t. viii , p. 45). Chez deüx.ma- lades , il a obtenu la résolution de tumeurs scrofuleuses , à l’aide de frictions avec une pommade d’hydrobrômate dfe. po- tassse et de cataplasmes arrosés d’une solution aqueuse de brome. Chez un troisième , une otorrhée chrenique et un en¬ gorgement scrofuleux des testicules ont cédé aux mêmes moyens, aidés de l’administration du brome à l’intérieur. Dans une quatrième observation, M. Fourché parle d’un goitre vo¬ lumineux réduit des deux tiers. Malgré un début si heureux , ces essais n’ont été que peu répétés depuis, ou, au moins,} les médecins n’ont pas encore fait connaître leurs résultats. Epfih les expériences ont été trop peu nombreuses pour que l’on ait pu étudier les effets thérapeutiques du brome , les symp¬ tômes du médicament. M. Fourché cependant signale quel¬ ques phénomènes d’excitation ; la chaleur de visage , la cépha¬ lalgie , la sécheresse de la gorge , etc. , phénomènes qui d’ailr leurs seraient tous passagers. /'

On a administré le brome . à l’intérieur et à l’extérieur; M. Fourché l’a donné intérieurement en dissolution d’une" partie de brome dans quarante partifes d’eau distillée (dosé;. 5 à 6 gouttes , dans l’eau pure , augmentée graduellement). Il l;a fait prendre aussi à l’état d’hydrobrômate , en pilules, à'.lâ^, dose de 4 à 8 grains par jour.

A L’extérieur , il a employé avec avantage la solution aqueuse en lotions, ou sur des cataplasmes. Enfin il a retiré de bons effets d’une pommade faite avec l’hydrobrômate de potasse, hydrobrômate de potasse, 3 j; axonge, | j c). M. Magen-

22 bronches (maladies des).

die a donné la formule suivante : hydrobrômate de potasse, 3 j ;

brome liquide , gouttes , vj à xij ; axonge, § j.

Plus récemment on a proposé le hrômure de mercure comme préservatif, et comme moyen curatif de la syphilis; mais aucun fait n’est venu appuyer ni infirmer cette assertion , et l’expérience a encore à prononcer sur une application nou¬ velle que , par analogie , il semble que l’on doive tenter toute¬ fois avec beaucoup de prudence.

M. Magendie a proposé ^mploi du brâmure de fer comme astringent énergique dans -les cas d’bypertropbie du coeur. Il conseille les pilules suivantes : ^ bromure de fer pulvérisé ; gomme arabique, ââ. gr. xij; conserve de roses, gr. xviij. Pour 24 pilules (deux le matin , et deux le soir).

Enfin, de quelques expériences de M. Barthez il semble résulter que le brome , mis en contact avec la peau et le tissu cellulaire sous- cutané, agit coxmae caustique sans être ab¬ sorbé. Al. Cazenave.

BRONCHES (maladies des). On comprend ordinairement sous ce titre tout ce qui a trait aux altérations de cette portion du conduit aérien qui s’étend depuis la bifurcation de la tra¬ chée-artère jusque-là les divisions bronchiques peuvent être incisées et suivies distinctement, au moyen des instrumens dont on se sert vulgairement dans les ouvertures du cadavre. Cette division du conduit aérien es.t loin d’être fondée sur des bases réellement anatomiques; car, à vrai dire, les bron¬ ches n’ont d’autres terminaisons réelles que les culs-de-sac ou cellules pulmonaires dont l’ensemble constitue ce que l’on désigne sous le nom de parenchyme du poumon; et sous ce rap¬ port l’adresse et la patience, aidée de moyens de dissection plus ou moins convenables , permettront toujours de reculer les limites que l’on assigne vulgairement aux terminaisons bronchiques.

Une division plus philosophique serait celle qui aurait pour fondement la différence des fonctions qu’est appelé à remplir le eanal aérien dans les différens points de sa continuité. Nul doute, en effet, que simples tuyaux de transport dans une partie de leur étendue , les bronches , tout en servant toujours à cet usage pour les points qui leur font suite , ne deviennent à une cerlaine distance de leur origine organes d’hématose.

BRONCHES (maladies DES ). 23

Quel est le point la structure des tuyaux broneliiques de¬ vient telle que l’air contenu dans leur intérieur puisse don¬ ner au sang qui se répand sur leurs parois des qualités nou¬ velles? C’est ce qu’il conviendrait desavoir pour établir une division physiologique; mais c’est aussi ce qu’il est impossible d’établir dans l’état actuel de la science. Quoi qu’il en soit, ce que nous dirons des altérations des tuyaux bronchiques, eu égard aux obstacles qu’elles peuvent apporter au transport de l’air dans leur intérieur, s’étendra à toute la continuité du canal aérien; car partout, jusqu’à ses dernières limités, il remplit éet usage. Pour ce qui regarde les altérations qui n’ont pàs essen¬ tiellement rapport à cette partie toute mécanique de la respi¬ ration, nous nous arrêterons aux limites adoptées par les ana¬ tomistes.

Altérations des bronches considérées sous le rapport des ohstdçles qié elles apportent au transport de F air dans les poumons Avànt d’aborder ce point de pathologie, il convient de rappeler un fait anatomique concernant le mode de distribution déS bron¬ ches qu’il importe de ne pas perdre de vue et qui donné l’ex¬ plication de plusieurs phénomènes importans.

Dans toute l’étendue de l’arbre bronchique, toutes, les bran¬ ches naissent les unes des autres, et parcourent leur trajet jusqu’à leurs dernières limites sans jamais communiquer avec les branches voisines et collatérales. Ainsi, vient-on à injecter de l’air par la bronche principale de l’un des poumons, l’or- gâne tout entier se gonfle , l’air pénètre dans toutes les vési¬ cules pulmonaires; mais si, au lieu de faire pénétrer l’air par cette bronche, ott l’injecte par une branche d’un moindre calibre, l’air, au lieu de pénétrer partout comme dans le pre¬ mier cas, ne parvient qu’à une portion de l’organe en rapport avec le volume de la bronche , à travers laquelle l’insufflation à eu lieu; et cela s observe toujours et dans les mêmes rap¬ ports jusqu’aux dernières limites l’expérience ést praticable. Il résulte de cette disposition que les bronches ne peuvent se suppléer les unes les autres pour ce qui est du transport de l’air, comme le font, par exemple , les vaisseaux sanguins entre eux pour le transport du sang ; qu’il n’existé aucune voîè anas¬ tomotique par laquelle l’air puisse parvenir âuX cellules pul¬ monaires, lorsque la bronché, dont elles sont les dernières

24 BROKCHES (maladies DES).

ramifications, vient à être oblitérée. De eette conséquence , qu’une lésion peu importante en elle-même, lorsqu’elle vient à interrompre le passage de l’air dans une bronche quelle qu’elle soit, rend nulles pour la respiration toutes les parties des poumons qui en dépendent;

Les causes qui peuvent porter obstacle au cours de l’air dans l’intérieur des bronches prennent naissance hors d’elles , dans l’épaisseur de leurs parois ou dans leur intérieur.

Il n’est pas-rare de rencontrer les bronches à leur origine j^lus ou moins fortement comprimées par des tumeurs de di¬ verse nature. Ainsi on voit souvent au voisinage des tumeurs anévrysmales de l’aorte ascendante l’une des bronches com¬ primée et plus ou moins aplatie. Quelquefois la compression est telle que le calibre intérieur du conduit s’en trouve no¬ tablement diminué. Dans d’autres cas, et chez les enfans scro¬ fuleux en particulier les ganglions lymphatiques situés à l’origine des bronches, prennent un développement tel que celles-ci se trouvent presque entièrement oblitérées. Ce der¬ nier cas ne s’observe cependant que rarement, l’ulcération des bronches étant la conséquence de cette compression, bien avant que celle-ci ait pu donner lieu à leur oblitération plus ou moins complète.

L’auteur de cet article a rencontré plusieurs cas de ce genre chez des animaux chez lesquels , à raison de leur disposition très grande à la phthisie, ce développement morbide des glandes bronchiques s’observe fréquemment à un haut degré. Dans l’un de ees cas l’oblitération de l’une des bronches était' complète, et par suite le poumon correspondant, qui, depuis long-temps, sans doute , ne recevait plus d’air, quoique sain en apparence , était entièrement revenu sur lui-même et dans un état d’affaissement tel qu’on l’observe à la suite des épan- chemens de poitrine les plus abondans. Les côtes ayant suivi le poumon dans son retrait, une déformation des plus pronon¬ cées du thorax résultant de l’inégalité des deux côtés de la poi¬ trine était en même temps observée. Ainsi une lésion peu con¬ sidérable par son étendue avait, à raison de la position qu elle occupait, rendu nul pour la respiration un poumon tout entier et donné lieu à une remarquable difformité.

On conçoit que d’autres tumeurs, de nature analogue, déve-

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BRONCHES (maladies DES ). loppées au voisinage des bronches dans l’intérieur du poumon, puissent donner lieu à de semblables effets ; cependant nous n’avons observé aucun fait de ce genre dans les bronches d’un moyen calibre. Au contraire, les petites bronches, celles dans lesquelles on observe plus de cerceaux ou points carti¬ lagineux , et que l’on ne met à découvert qu’avec un peu d’at¬ tention, ont été souvent rencontrées par nous dans un état d’oblitération plus ou moins complet, par suite de leur com¬ pression par des granulations tuberculeuses ou autres, crues, isolées ou agglomérées , développées dans leur voisinage. Cette disposition anatomique doit être recherchée et notée, lorsqu’il s’agit d’apprécier l’influence de ces corps relativement à la diminution de la surface respiratoire qu’entraîne leur pré¬ sence ; car le champ de la respiration se trouve alors diminué .de toute la portion d’organe occupée par eux, et de toute celle, bien plus considérable, dans laquelle l’air ne pénètre plus pa:r.§uite de l’oblitération de la petite bronche destinée à l’y apporter.

Les effets physiologiques résultant du mode d’altération bronchique que nous venons d’indiquer, diffèrent suivant le lieu siège la cause de la compression, son degré, la rapi¬ dité de son développement et le nombre des points affectés.

Quant aux signes qui peuvent permettre de reconnaître , pendant la vie, l’existence de ces divers états morbides, ils sont fort obscurs. Il est difficile, dans l’état actuel de la science, faire la part de ce qui doit leur être attribué au milieu d’une foule de symptômes auxquels donnent lieu les différentes maladies du poumon, dont ils ne sont bien souvent que des complications. Cependant, lorsqu’une tumeur, de nature quelconque vient à comprimer la bronche principale de l’un des poumons, au point, d’en diminuer notablement le calibre , alors l’oreille, appliquée en arrière du thorax, dans le point correspondant à la racine des bronches, perm.et de recon¬ naître , lorsque le malade parle , un son particulier et analogue à l’égophonie ou à la bronchophonie. Ce signe, lorsqu’il est isolé de tous ceux qui appartiennent à la pneumonie ou à la pleurésie, a beaucoup de valeur pour faire reconnaître cet état décompression de l’une des bronches. Nous avons eu, dans plusieurs circonstances, l’occasion de constater la valeur de ce signe , et plusieurs fois de nous en servir pour reconnaître

26 BRONCHES (maladies DES).

l’existence de tumeurs anévrysmales de l’aorte , assez déve¬ loppées pour comprimer notablement l’une des bronches, mais qui ne s’étaient point encore manifestées au dehors par aucune saillie appréciable. A ce signe, fourni par l’auscultation, se joignait, dans les cas que nous avons observés. Une dimi¬ nution notable dans la force de la voix qui paraissait comme étouffée ; le bruit respiratoire du coté affecté était en même temps beaucoup plus faible. Si l’occlusion de la première bronche ou de quelques-unes de ses branches était complète, le bruit respiratoire dans un des côtés de la poitrine , soit dans toute son étendue, soit dans quelques-unes de ses parties, se¬ rait, sans doute, tout-à-fait nul.

D’autres causes pouvant gêner le cours de l’âir dans l’in¬ térieur des bronches peuvent naître et se développer dans l’épaisseur même des parois de ces conduits. C’est ainsi que l’épaississement qui survient à la suite de l’inflammation chro¬ nique des bronches peut avoir pour résultat d’en diminuer notablement le calibre, et même d’en déterminer l’oblitération plus ou moins complète. Toutefois ce résultat ne s’observe jamais pour les très grosses bronches; presque toujours le travail morbide qui donne naissance à l’épaississement des parois en altère la force de résistance, d’où leur dilatation en même temps que leur hypertrophie. Mais le contraire a lieu pour les hronches d’un très petit calibre; et soit que l’Ori (Aserve un poumon frais, soit que dans le but de rendre plus faciles les recherches, on en fasse dessécher dés morceaux et que l’on examine la surface des coupes que l’on y pratique au moyen d’un instrument tranchant, on rencontre dans quel¬ ques cas une foule de petites bronches devenues le siège d’é- paississemens bornés à des points plus ou moins limités, et ayant amené leur oblitération plus ou moins complète. Une forme de pneumonie chronique, dans laquelle on trouve çà et Un grand nombre de petits noyaux de tissu pulmo¬ naire engorgés et indurés, donne souvent lieu de constater les faits que nous venons de signaler.

La troisième espèce de causes que nous avons indiquées comme pouvant gêner le cours de l’air dans les bronches, sont celles qui prennent naissance dans leur intérieur.

Dans l’hémoptysie, le sang sorti de ses vaisseaux, retenu dans l’intérieur des poumons, et, en quelque sorte, infiltré dans sa

BRONCHES (maladies DES). 27

substance, y donne souvent naissance à une forme d’altération connue sous le nom êï apoplexie pulmonaire. Il est rare que le sang, dans ces circonstances , soit exhalé en assez grande quan¬ tité pour que les bronches d’un certain calibre se trouvent oblitérées par des caillots de sang, ou que ce fluide puisse y séjourner et s’y coaguler. Cependant un cas de ce genre a été rapporté par Laënnec , qui trouva l’une des bronches d’un phthisique presque entièrement oblitérée par une concrétion polypiforme à la suite d’une forte hémoptysie.

Le mucus sécrété à l’intérieur des bronches peut, dans quel¬ ques circonstances, acquérir une viscosité telle qu’il adhère fortement à leurs parois, en même temps qu’il peut s’accumuler sur un point de leur étendue, et y former une sorte de bou¬ chon qui s’oppose à l’entrée de l’air. Ce cas n’a été observé que rarement dans les grosses bronches. M. Andral en a rap¬ porté un dans lequel la dyspnée qui en fut le résultat fut portée au point de causer une mort très prompte {^Clinique méd., 1. 1, p. 213, 2«éd.).

Dans les bronches d’un plus petit calibre on observe bien souvent, chez les individus scrofuleux, une matière plus ou moins semblable à la matière tuberculeuse crue, déposée sur quelques points de leur trajet, et y formant des cylindres solides qui en oblitèrent complètement la cavité. Souvent cette matière s’étend assez loin, et on peut la suivre jusque dans l’intérieur des dernières divisions bronchiques. Les recherches d’anatomie pathologique faites avec quelque soin permettent défaire souvent ces remarques sur les poumons de l’homme; mais rien n’est si commun que de les faire sur les poumons des ruminans et sur ceux des vaches nourries dans les étables de Paris.

L’affection qroupale, quand elle a son siège dans l’intérieur des bronches , soit qu’elle propage de la partie supérieure des voies aériennes vers les parties inférieures, soit qu’au con¬ traire son progrès ait lieu de b«s en haut, donne lieu à la pro¬ duction d’une matière plastique ou d’unepseudo-membrane, qui a pour effet de diminuer d’une manière plus ou moins considé¬ rable le calibre des bronches. Dans les tuyaux d’un certain volume, les fausses membranes ne font que se déposer à la surface de leurs parois , formant ainsi des èspèces de cylin¬ dres creux qui permettent encore l’accès plus ou moins libre

28 BROîtCHES (maladies des).

de l’air. Mais dans les bronches d’un très petit calibre, il n’en est point ainsi, et la matière plastique s’y présente sous la forme de cylindres solides, dont l'^effet est d’en déterminer la complète oblitération. Ce genré d’altération, quand il a son siège dans les très petites bronches, et qu’un grand nombre d’entre elles se trouvent simultanément affectées, eonstitue une forme de pneumonie dont les caractères anatomiques n’ont point été encore décrits, et dont les symptômes , pendant la vie , diffèrent aussi de ceux de la pneumonie ordinaire ( vof. Pneumonie).

Des substances entièrement solides et de nature ealculeuse ou ostéo-pierreusepeuvent aussi seformer dans l’intérieur des petites bronches. Plusieurs fois sur des poumons de vieillards, nous avons rencontré des masses plus ou moins étendues de substance ostéo-calcaire, disposées sous forme arborescente , et qu’une dissection attentive nous permettait de reconnaître comme s’étant développées dans l’intérieur des bronches dont elles représentaient parfaitement la forme etla disposition. Nous devons dire que, dans quelques cas de ce genre, il était diffi¬ cile d’établir si ces concrétions étaient dues à un véritable dépôt de matière dans' l’intérieur des petites bronches ou à une transformation des parois de cesbroncheselles-mêmes.

Des corps d’une nature bien différente de ceux que nous venons d’indiquer peuvent encore, en se développant dans l’intérieur des cavités bronchiques, apporter un obstacle plus ou moins considérable à l’introduction de l’air dans les pou¬ mons: ce sont des entozoaires. Ciiaque espèce animale présente, sous ce rapport, des particularités bien dignes de remarque. Rien n’est si commun, par exemple, que de rencontrer dans les poumotis du genre Cerf des vers d’un pouce de long, minces, ayant la forme des ascarides, réunis en grand nombre dans un point de la continuité des bronches, et déterminant par leur séjour une inflammation plus ou moins vive de la membra:!e muqueuse. Au contraire, ce cas n’est jamais observé chez l’homme. Chez d’autres ruminans, et chez les vaches en par¬ ticulier, on ouvre à peine un poumon sans trouver un plus ou moins grand nombre de bronches oblitérées par des hydatides; chez l’homme on en rencontré , il est vrai , mais ce cas est in¬ finiment rare. Lorsqu’il a lieu, les hydatides peuvent s’être formées hors des bronches et y être parvenues après les avoir

BRONCHES (MALADIES DES). 29

perforées. Quelquefois cepetadant ces corps y ont réellement pris naissance. De leur nombre et de leur volume dépend la gravité des symptômes que présentent les malades qui en sont affectés. L’expectoration de quelques-uns de ces corps, soit en totalité, soit en fragmens, peut seule fournir la preuve que les symptômes observés pendant la vie sont dus à cette cause.

Enfin une dernière altération des bronches , toujours consi¬ dérée sous le point de vue qui nous occupe , doit être indi¬ quée ici avec quelques détails. Nous voulons parler de l’obli¬ tération des bronches par suite de la coarctation de leurs parois et de leur transformation en cordons solides.

Le siège de ce genre d’oblitérationa été constaté par nous sur tous les points de l’arbre bronchique, c’est-à-dire depuis le tronc lui-même jusqu’aux ramifications les plus déliées.

Une première espèce de ces oblitérations est celle que l’on rencontre très près des terminaisons dans des rameaux de cin¬ quième ou sixième ordre à quelqués lignes delà plèvre: lors¬ qu’on incise une bronche ainsi oblitérée, on parvient à une espè¬ ce de cul-de-sac qu’on reconnaît bien pour une terminaison anormale, car le tuyau est encore d’un calibre assez grand pour qu’il eût pu fournir encore d’autres rameaux secondaires. D’ailleurs , si on observe avec attention comment ce tuyau se comporte au delà de l’oblitération , on le voit manifestement se continuer avec un cordon ténu assez ferme , résistant et fa¬ cile à isoler par un léger grattage du reste de la substance pulmonaire : on peut ainsi le mettre à découvert et le suivre jusqu’à la plèvre il devient d’une ténuité capillaire.

Une autre espèce d’oblitération ressemble à celle que nous venons d’indiquer, parce qu’elle a lieu également assez près de la surface de la plèvre; mais pendant que la première ne pou¬ vait être reconnue qu’avec la précaution d’inciser peu à peu les dernières bronches au moyen de ciseaux assez fins, celle-ci peut être reconnue au moyen du stylet boutonné lui-même, qui s’y trouve brusquement arrêté, lorsque , conduit dans des ramifications voisines , on le fait pénétrer beaucoup plus avant. Si on incise alors la bronche. On voit que cette oblité¬ ration a lieu en effet dans un tuyau d’un plus gros calibre , lequel, quoique assez près de la surface du poumon, ne se montre point avec les caractères propres à la dilatation des bronches. Si on suit le petit cordon fibreux de prolonge-

30 BRONCHES (maladies DES),

ment, ou s’aperçoit aussi qu’il est moins ténu que dans le cas précédent, quoique ne parcourant pas un trajet plus consi¬ dérable pour parvenir à la plèvre. A cette disposition s’en joint une autre de la surface pulmonaire elle-même : c’est que, dans le point correspondant, cette surface s’y présente plus ou moins froncée ; d’où il est naturel de conclure que c’est par suite du retrait de la substance pulmonaire dans ce point que l’oblitération se trouve aussi près de la surface ex¬ térieure du poumon , et que le cordon fibreux de continuation se trouve aussi court.

Ces deux états ne s’observent pas seulement près de la sur¬ face pulmonaire, mais on les rencontre encore dans l’inté¬ rieur même du poumon sur le trajet de petites ramifications destinées à des lobules intérieurs; car, comme on sait , les bronches se terminent à toutes les distances, et souvent de grossses ramifications donnent naissance à de très petites qui se terminent très près de leur origine. ^

Dans d’autres circonstances; l’oblitération s’observe dans des bronches d’un bien plus gros volume et plus ou moins rapprochées de la racine des poumons: ce cas constitue une troisième espèce de ce genre d’oblitération , non qu’il diffère essentiellement des précédens, mais à raison des modifications très remarquables qui en résultent pour toutes les parties du poumon qui se rencontrent au delà l’oblitération. Ainsi, à quelque distance qu’on l’observe, on trouve toujours un cor¬ don solide, y faisant suite, et qui, se ramifiant à la manière des bronches, peut toujours être suivi jusqu’à la plèvre.

L’état des bronches, avant leur oblitération, est variable. Nous les avons trouvées quelquefois dans l’état le plus par¬ fait d’intégrité dans toute leur portion accessible à l’air, tant sous le rapport de la structure de leurs parois que sous celui de leurs dimensions , et cela à quelque point qu’existât l’obli¬ tération. D’autres fois elles se sont présentées à nous plus ou moins dilatées, et cela dans les points les pins différons de l’arbre bronchique; cependant nous avons rencontré plus souvent cette dilatation quand l’oblitération existait dans les gros troncs.

Tout ce qui regarde l’éûologie de cette affection des bron¬ ches, ‘comme sa symptomatologie, est encore à faire.

Il nous reste à parier d’autres altérations des bronches, dont

BRONCHES (mALADJES PÊS). 31

l’effet principal u’est pas, comme pour les précédentes, d’ap¬ porter obstacle au passage de l'air. Ces. altérations peuvent se rencontrer dans chacun des élémens qui entrent dans la com¬ position des bronches ou dans ces élémens réunis.

AUératioti des la membrane muqueuse dès bronches. Pour tout ce qui regarde l’inflammation, soit aiguë, soit chronique, de cette membrane , nous renvoyons aux articles Bronchite , et

Cboop.

Nous y renvoyons également, pour ce qui a rapport aux ulcérations des bronches, tout en faisant remarquer que leur histoire appartient bien moins à l’histoire de la bronchite qu’à celle de la phthisie pulmonaire, dans laquelle on l’ob¬ serve presque exclusivement. Cependant il est une espèce d’nl- cémtion des bronches qui n’est point propre à la phthisie et qui peut trouver place ici : c’est celle qui s’établit de l’extérieur à l’intérieur des bronches , et qui n’est autre qu’une espèce de perforation plus ou moins lente de leurs parois par des fluides QU des tumeurs solides, formés dans leur voisinage. C’est ainsi que les bronches peuvent se trouver usées, et par suite perforées par des tumeurs anévrysmales qui venant à s’ou¬ vrir dans leur cavité, donnent lieu à des hémoptysies presque toujours promptement mortélles; que de petits abcès du pou¬ mon se font quelquefois jour au dehors par cette voie-que-des calculs plus ou moins volumineux, isolés ou multipliés, formés dans l’intérieur du poumon ou dans les ganglions lymphati¬ ques situés à l’origine des bronches , peuvent également pé¬ nétrer dans l’intérieur des bronches.

Quoique nous ayons renvoyé à l’article Bronchite ce qui regarde l’inflammation des bronches, et par conséquent les altérations plus ou moins nombreuses qui en sont la consé¬ quence, nous devons faire mention ici d’un état particulier de la membrane muqueuse, dans lequel cette inflammation ne joue qu’un rôle très secondaire, et qui. a besoin, pour sa pro¬ duction, de dispositjpas individuelles toutes spéciales: nous voulons parler de la gangrène de la mernbrane muqueuse des bronches. Les caractères de cette altération sont les mêmes que ceux des autres formes de la gangrène pulmonaire, dont elle ne diffère que par le siège. Nous favons vue plusieurs fois bornée à un ou plusieurs tuyaux bronchiques, sans que le pa¬ renchyme pulmonaire fût lui-même affecté. DaiJleurs les causes

32 BROMCHES (maladies DES).

de cette altération , et les signes à l’aide desquels elle peut être connue pendant la vie, moins ceux fournis par le stéthos¬ cope, sont les mêmes que pour la gangrène du poumon en général. ( Foy. Podmon ( gangrène du ).

Les cartilages que l’on rencontre da«s les bronches au des¬ sous de la membrane muqueuse ne présentent aucune altéra¬ tion appréciable. Comme toutes les autres parties du même système, ils résistent à la destruction plus que tout ce qui les environne. Aussi arrive-t-il quelquefois d’en rencontrer qui s’élèvent comme des arêtes , en partie détachées, au centre de quelques ulcérations. On en a rencontré qui étaient entière¬ ment détachées et qui avaient été trouvées libres dans l’inté¬ rieur des bronches , ou qui avaient été expectorées.

Si cet élément anatomique des bronches ]irésente peu d’al¬ térations en lui-même, son développement insolite, au con¬ traire, accompagne assez souvent plusieurs affections des bronches. Ainsi, à la suite des inflammations bronchiques de longue durée, on rencontre fréquemment les cerceaux carti¬ lagineux plus développés que- de coutume.' On peut les suivre plus loin qu’on ne le fait d’ordinaire, dans la continuité des bronches; il peut mêmeari’iver que, dans quelques bronches dilatées, on rencontre des points cartilagineux isolés jusque dans les dernières ramifications.

C’est aussi à cette espèce de développement anormal, bien plus qu’à une altération morbide proprement dite , que l’on peut rapporter ce que l’on rencontre d’insolite dans la mem¬ brane musculeuse des bronches. Dans quelques cas d’affec¬ tions des bronches on la trouve plus apparente que dans l’état ordinaire, l’anatomie en démontre l’existence, et encore où, dans' l’état normal, elle n’est admise que par analogie ou par comparaison avec ce qui existe sous ce rapport dans lès bronches de quelques animaux cette membrane muscu¬ leuse est très manifeste, jusque dans les plus petites ramifi¬ cations bronchiques. Ce que nous venons de dire de la cou¬ che musculeuse s’applique également à la couche fibreuse. Les divers élémens membraneux qui entrent dans la com¬ position des bronches et le tissu cellulaire qui les unit, peu¬ vent se trouver simultanément affectés, et acquérir un degré d’hypertrophie, d’où résulte, pour les parois bronchiques, un épaississement qui en diminue plus ou moins le calibre inté-

BROMCHES (MAUDIES DES). 33

rieur. Au commeacement de cet article, nous avons dit que cette diminution de calibre pouvait aller dans les petites bron- chesjusqu’à l’oblitération. Dans les grosses bronches, ou dans celles d’une capacité moyenne, on rencontre quelquefois cet état sans que la capacité intérieure des conduits se trouve notablement diminuée. Plus souvent l’épaississement des bron¬ ches se trouve coïncider avec leur dilatation; c’est de ce dernier état des hronches qu’il nous reste à parler.

La dilatation des bronches peut être observée sous diffé¬ rentes formes. Dans quelques circonstances un ou plusieurs tuyaux bronchiques présentent dans toute leur étendue une augmentation notable de leur calibre. Cette augmentation de calibre est' rarement portée, dans ce cas, à un degré considé¬ rable; cependant, dans quelques circonstances, elle est telle que l’on peut avec facilité inciser les bronches jusqu’à leur dernière terminaison. Nous avons rencontré des bronches di¬ latées qui, jusqu’au voisinage de la plèvre, conservant tou¬ jours la disposition qu’elles ont dans leur état normal , pou¬ vaient recevoir dans leur intérieur une grosse plume à écrire. Ces cas, pour le dire en passant, sont très favorables pour faire reconnaître la véritable disposition des bronches à leur terminaison. Dans d’autres circonstances , la dilatation bron¬ chique est bornée à un seul point du conduit qui présente alors un renflement plus ou moins considérable. Ce renflement qui , dans quelques cas-, .ne dépasse que de très peu les dimen¬ sions ordinaires du conduit, peut acquérir d’énormes dimen¬ sions.' Ainsi nous en avons rencontré qui pouvaient contenir une petite orange. Entre ces deux degrés on rencontre tous les intermédiaires. Enfin, dans une troisième espèce, les bronches se dilatent de manière à présenter dans l’étendue d’un ou de plusieurs rameaux une. suite de renflemens fusi¬ formes dans l’intervalle desquels le tuyau bronchique con¬ serve son calibre accoutumé.

Ces diverses espèces de dilatations bronchiques peuvent exister isolément dans une bronche, ou simultanément dans plusieurs. Dans la deuxième espèce il arrive quelquefois de rencontrer tout ou partie d’un lobe transformé en un petit nombre de poches, autour desquelles il existe à peine quelques traces de parenchyme pulmonaire perméable à l’air. La struc¬ ture des parois bronchiques, qui e.st toujours telle qu’on Diet. de Méd. vi. 3

34 ÎBRONCHES (maladies DEs).

peut y reconnaître celle qui appartient aux bronches dans l’état normal , présente cependant quelques différences. Ainsi, tantôt la dilatation a lieu avec état naturel des parois bron¬ chiques, tantôt avec augmentation d’épaisseur, tantôt enfin avec diminution d’épaisseur de ces mêmes parois. Presque toujours on rencontre dans les bronches dilatées une plus ou moins grande quantité de mucus plus ou moins fluide, et qui, dans quelques cas, ressenjble même à du pus, la mem¬ brane muqueuse pouvant se présenter alors plus ou moins rouge, plus ou moins molle , ou avec sa couleur et sa consis¬ tance naturelles.

La dilatation des bronches se rencontre, le plus souvent, ehez des individus affectés de catarrhes chroniques. Sans doute les causes qui lui donnent naissance ne sont autres dans l’origine que celles du catarrhe lui-même; mais, une fois qu’elle a pris naissance, la dilatation devient cause elle-même de toux, de dyspnée, d’expectoration, et doit être, à son tour, considérée comme cause de la persistance des symptômes de catarrhe que l’on observe chez les individus qui en sont af¬ fectés.

Les signes physiques auxquels on peut reconnaître la dila¬ tation des bronches varient, suivant le siège, l’étendue et la nature de l’affection. Dans les points existent les dilatations un peu considérables, on entend une pectoriloquie plus ou moins parfaite, accompagnée d’un râle muqueux ou de gar¬ gouillement tout-à-fait semblable au râle caverneux des phthi¬ siques. Il est rare que ces dilatations ne contiennent pas de mucosités dans leur intérieur, et que le bruit respiratoire s’y laisse entendre avec'pureté. Lorsque cela a lieu, le bruit res¬ piratoire est celui que l’on entend lorsqu’il existe dans les poumons des cavernes tuberculeuses vides. Si la dilatation est médiocre et à peu près égale dans un certain nombre de bronches , il est alors difficile de la reconnaître; cependant on entend, au lieu de pectoriloquie , une espèce de bronchopho¬ nie diffuse, accompagnée d’un râle très gros et très humide.

Les symptômes de la maladie indiquent rarement sa gravité dans les cas la dilatation des bronches est le plus étendue Le plus souvent il tfy a ni fièvre, ni amaigrissement très mar¬ qué; la respiration n’est gênée qu’autantque les malades se livrent à des mouvement rapides ou trop répétés. L’expec-

toratioa est remarquable par sou abondance , lorsque les dilatations bronchiques sont très étendues; elle a toujours le caractère des crachats que l’on observe dans les catarrhes anciens ; quelquefois elle est tout-à-fait puriforme.

On pourrait confondre la dilatation des bronches avec la phthisie pulmonaire; mais les résultats de l’auscultation et les symptômes généraux ,de l’une et de l’autre affection dif¬ fèrent sous une foule de rapports, ( f'cy. Phthisie pulmonaire.)

Le traitement devrait avoir pour but de resserrer les bron¬ ches et de diminuer la sécrétion qui a lieu à leur intérieur. La première de ces indications nous semble tout-à-fait au dessus des ressources de l’art , lorsque la dilatation est arrivée à un certain degré. Pour remplir la seconde, on a conseillé l’emploi des toniques amers et aromatiques , et principalement les balsamiques. ( Fb/., pour l’appréciation de ces moyens thérapeutiques, l’art. Bronchite.) A. Reynaud. ,

Bosch (Corn. Jacq. yan den). Commentatia exhjhens anatomtam sys tematis respirationi inservientis pathologicam. Harlem, 1801, in-S®.

Chetne (J.). The pathology of the memhrane ofthe larynx and bronchia Édimbourg, 1809.

Voy. Broussciis , PMegmasies chroniques; Laënnec , Auscultation Andral, Clinique médicale; Louis, Phthisie pulmonaire. Dez.

BRONCHITE. La bronchite est l’inflammation de la mem¬ brane muqueuse qui tapisse les bronches. Cette affection est assez communément décrite sous le nom de catarrhe bronchique ou pulmonaire; toutefois, comme le mot bronchite est plus spécia lement usité dans le langage actuel de la science, nous croyons devoir employer de préférence cette dénomination. Quant à celles de fausse. péripneumonie , pneumonie catarrhale , pleurésie humide, elles sont, Ajuste raison et depuis long-temps, rejetées.

La bronchite, comme toutes les autres phlegmasies, est tantôt aiguë et tantôt chronique : sous l’une et l’autre forme, l’inflam¬ mation peut occuper une portion ou la totalité des bi onches.

§ I. Bronchite aigue. C’est, sans contredit, une des maladies les plus fréquentes; la plupart des hommes en sont atteints un grand nombre de fois dans le cours de leur vie, à un degré quelconque.

L’inflammation des bronches ne se montre pas également

36 BRONCHITE AIGTJE.

dans tous les temps de l’année ; elle règne plus particulière¬ ment pendant l’hiver , en automne et au printemps, époques la température est remarquable par ses brusques variations. Sur cinquante-six épidémies principales de catarrhe pulmo¬ naire, qui ont régné en Europe depuis le XIV® siècle jusqu’à cette époque, dit M. ,Andral ( Dict. de méd. et de chir. prat.), vingt-deux ont eu lieu en hiver, douze au printemps, onze en automne et cinq en été; parmi les quatre autres, deux ont sévi pendant toute une année, une pendant l’hiver et le printemps, et une enfin pendant l’automne, l’hiver et le printemps. La bron¬ chite paraît plus commune dans les climats tempérés, dans les lieux exposés au sud et à l’ouest, et dans les endroits bas et humides.

Parmi les conditions individuelles qui paraissent favoriser le développement de la bronchite, la plupart des auteurs ont indiqué la vieillesse et l’enfance , particulièrement pendant le travail de la dentition , une constitution faible , une vie molle et sédentaire , d’où résulte une susceptibilité plus vive aux im¬ pressions du chaud et du froid. Les personnes qui ont de l’em¬ bonpoint, et qui ont conséquemment des sueurs faciles, sont, dit-on, plus exposées à contracter cette phlegmasie. Les femmes y sont moins sujettes que les hommes. Sur cent quarante-neuf cas de cette affection , recueillis par M. Louis ( Recherches sur la phthisie pulmonaire , p. 526 ) , cinquante-deux seulement , ou le tiers environ, appartenaient aux femmes. Sur soixante et une bronchites, observées à la clinique de M. Rullier par M. Rufe [Compte rendu de la clinique de M. Rallier, 1832 , p. 76) , quarante et une existaient chez des hommes, et vingt sur des femmes. Certaines professions ont été considérées comme prédisposant à la bronchite, celles de boulanger et de plâtrier surtout; mais ces assertions ne reposent sur aucune donnée positive. Enfin on a admis une sorte de prédisposition particulière , soit innée, soit acquise , en vertu de laquelle des individus sont atteints de cette affection, plusieurs fois chaque année et sans aucune cause appréciable. Riedlin [Lineœ medicin. 1669), cité par J. Frank, parle d’une femme qui s’enrhumait habituellement pendant les chaleurs de l’été et ne voyait sa toux cesser que quand l’hiver arrivait.

L’impression subite ou prolongée du froid, et principalement du froid humide, lorsque le corps est échauffé , est la cause

BKOKCIÎITE AIGUE.

37

occasionelle la plus ordinaire de la bronchite. Elle peut être aussi produite, dans quelques cas, par l’action de causes di¬ rectes , comme l’inspiration d’un air très froid ou brûlant , de substances irritantes gazeuses , liquides ou solides. M. Brous¬ sais [Hist. des phlegm. chron.) dit qu’il suffit quelquefois d’un frisson fébrile pour faire naître le catarrhe pulmonaire : il ajonte qu’il a connu des personnes qui se sont enrhumées pour avoir eu peur. Mais il faut reconnaître que de pareilles causes ne sont rien moins que fréquentes , et que leur action n’est pas démontrée.

Au début ou dans le cours des fièvres exanthématiques, et plus particulièrement de la rougeole , la bronchite se montre si souvent, qu’on doit la regarder comfme une dépendance es¬ sentielle de ces affections, et non comme une simple complica¬ tion. La bronchite se montre alors avec des caractères qui lui sont propres , dans sa marche , dans ses symptômes , et qui ne permettent pas de la confondre avec la bronchite ordinaire : c’est la rougeole de la membrane muqueuse des bronches , si l’on peut ainsi dire , et elle diffère autant du catarrhe pulmo¬ naire , que l’affection morbilleuse de la peau diffère elle-même de l’érysipèle ( -vojiez Rougeole ). Les fièvres graves ou typhoïdes sont aussi presque toujours accompagnées d’un catarrhe pul¬ monaire, qui a également ses caractères particuliers, comme un râle' sibilant très fin, des crachats rares, transparens, étoi¬ lés , expectorés laborieusement , et peut-être un état de sé- cheressedes bronches, analogue à celui de la bouche et du pha¬ rynx.

La bronchite est le plus ordinairement sporadique; elle règne quelquefois d’une manière épidémique. Salius Diversus, Mer- catus^Willis, Sydenham, Ettmuller, Camerarius, Stork, Huxham, Monro, Macbride, Heberden, Ant. et Joan. Fothergill, Stoll, Burserius, Ranoë, Straek, Warren, Saillant, Currie, Lepecq de la Clôture , et une foule d’autres médecins , nous ont trans¬ mis des descriptions de ces épidémies , qui diffèrent assez de la bronchite ordinaire, par leurs symptômes généraux et par leur marche, pour que nous n’en traitions pas ici : il en sera question aux articles Catarrhe et Grippe.

A l’Hôpital des Enfans, dans les salles consacrées aux eufans encore au berceau , l’inflammation des bronches et même celle 4i,i tisçu pulmonaire sont si communes qu’on pourrait presque

38 BROKCHITE AIGUE.

les y regarder comme endémiques. Elles sont en effet le résultat de causes toutes locales, dont il est possible d’apprécier l’in¬ fluence et qu’on pourrait détruire au moins en partie. Des salles plus vastes, plus d’espace entre chaque lit, un air plus pur, des précautions mieux entendues pour en opérer le re¬ nouvellement et pour changer les petits malades j tels se^ raient les meilleurs moyens d’arriver à ce but.

Les symptômes , la marche et la durée de la bronchite aiguë, varient surtout à raison de son intensité. La bronchite aiguë la plus légère, celle qu’on, désigne vulgairementpar le nom de rhume., est une simple indisposition qui mérite à peine d’être appelée une maladie; Un peu d’enrouement, une toux médiocre à peine douloureuse, et l’expectoration de quelques crachats grisâtres ou spumeux-, sont les seuls symptômes de cette affection, qui n’apporte ordinairement aucun troublé dans la digestion et dans la circulation , et qui n’empêche pas l’individu qui en est atteint de vaquer à ses Occupations habituelles. L’exposition au froid , ou même au chaud , en est la cause occasionelle la plus fréquente; Les symptôm.es se développent peu d’heures après l’action de cette causé : ils ont quelquefois , dès ce mo¬ ment ^ toute leur intensité; ils diminuent peu à peu et cessent souvent au bout de quelques jours ; ailleurs ils persistent pen¬ dant un temps plus long.

La bronchite intense a été décrite aussi sous les noms As, fausse fluxion de poitrine., Ae. fièvre catarrhale: elle se développe souvent Sans qii’on puisse l’attribuer à aucune cause externe, et pres¬ que toujours elle est précédée d’un dérangement notable dans la santé. Ses phénomènes précurseurs sont, du reste,, à peu près les mèmès que cëux des autres maladies aiguës ; lassitudes spontanées; faiblesse générale., pesanteur de tête, alternatives de chaud et froid; etc»; douleur à la gorge et coryza. La bronchite une fois développée ; présente pour principaux symptômes une toux fréquente ; une dôulèur diffuse et de la chaleur dans le thorax, 'une oppression médiocre, l’expectora¬ tion de crachats muqueux et un mouvement fébrile plus ou moins intense. L’auscultation de la poitrine fournit aussi des phénomènes importans.

De tous ces symptômes , toux est le plus remarquable et le plus incommode. Elle se reproduit communément sous la forme de quintes , qui sont accompagnées et suivies de phé-

BROaCHlTE AIGtIE.

nopèaes particuliers. Pendant les quintes, le malade éprouve dans toute la poitrine, mais plus fortement derrière le ster¬ num, dans la direction de la trachée-artère, des douleurs très vives , une sorte de déchirement et un sentiment de chaleur brûlante. En même temps la face devient rouge et gonflée, les larmes s’écoulent; la tête est tellement douloureuse qu’il semble au malade que les os du crâne vont se disjoindre. L’épigastre violemment secoué est aussi le siège de douleurs souvent plus vives que celles de la poitrine, et qui 's’étendent quelque¬ fois dans leshypochondres et jusqu’à l’hypogastre; des nausées, des vomituritions , des vomissemens ont souvent lieu, surtout chez les enfans. Ces quintes se terminent par l’expectoration d’un mucus clair et écumeux , quelquefois légèrement strié de sang. Elles se reproduisent à des intervalles inégaux , quelque¬ fois avec une sorte de régularité, tantôt sans cause apparente et tantôt par l’inipression du froid, par l’action de parler ou de boire, par le changement de position, par l’accumulation du mucus dans les bronches : toutefois cette dernière cause n’est pas la principale, comme elle pourrait le paraître, car c’est particulièrement dans le temps la matière expectorée est moins abondante , que les quintes sont plus rapprochées et plus fortes ; dans la première période de la maladie et dans tout son coürs au moment des paroxysmes nocturnes. A la suite de^es quintes, le malade ressent encore pendant quelque temps des douleurs dans la poitrine , à la tête , et vers les atta¬ ches du diaphragme ; il a de l’oppression, sa respiration et son pouls sont accélérés ; il éprouve de la sueur et une fatigue nérale qui cessent peu à peu. Les symptômes redeviennent par degrés ce qu’ils étaient avant la quinte de toux.

L’oppression est généralement peu considérable dans la bron¬ chite, si ce n’est pendant et après les quintes. Dans les cas ordinaires , le malade éprouve seulement la sensation^ d’un poids derrière le sternum, et il lui semble que l’air entre dif¬ ficilement dans sa poitrine. Lorsque l’inflammation est ü-ès in¬ tense et très étendue, la fréquence et la gêne de la respiration sont très marquées, surtout dans le redoublement du soir: quelques malades se plaignent alors d’étouffer. Dans les cas les plus graves, la dyspnée est extrême, l’entrée et la sortie de Tair sont accompagnées d’un bruissement appréciable à une certaine distance.

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BRONCHITE AIGtE.

La toux, qui est communément sèche dans le début, devient bientôt humide. Elle donne lieu , dès le second ou le troisième jour, à l’expectoration souvent laborieuse, et quelquefois pres¬ que convulsive, d’une matière ténue, plutôt séreuse que mu- _ queuse, parfois âcre ou salée, et mêlée a une espèce d’écume blanchâtre. Chaque jour cette matière devient plus abondante et plus épaisse , elle est filante et acquiert un certain degré de viscosité , d’autant plus remarquable que l’inflammation est plus forte. A une époque plus avancée, sa quantité diminue, mais sa consistance continue à augmenter. De jour en jour les crachats offrent des parties plus opaques, qui, rares d’abord, et peu volumineuses, se multiplient et s’agrandissent de plus en plus et forment enfin la presque totalité de la matière ex¬ pectorée. Dans la dernière période , les crachats sont'blancs , jaunes ou verdâtres, assez cohérens pour rester distincts dans le vase ils sont rejetés ; tantôt ils adhèrent au fond du vase, tantôt ils nagent sur une mucosité transparente ou trouble , ou bien ils sont suspendus au milieu d’elle. Le plus ordinaire¬ ment à cette époque ils sont inodores et paraissent insipides au malade; la toux est grasse et l’expectoration facile.

A ces symptômes il convient de joindre ceux qui sont four¬ nis par l’auscultation de la poitrine. Le son clair rendu par le thorax percuté est un phénomène négatif à la vérité , mais qui devient un signe important dans une affection accompa¬ gnée d’oppression et de toux. Les résultats obtenus à l’aide de l’auscultation présentent beaucoup plus d’intérêt. L’oreille appliquée sur la poitrine avec ou sans le stéthos cope , appré¬ cie des changemens particuliers dans le bruit que détefmine l’air en pénétrant dans les conduits destinés à le recevoir. Au début de la maladie , on entend quelquefois déjà un râle sonore, grave, plus rarement un râle sibilant. Lorsque l’exhalation pulmonaire , d’abord supprimée , se rétablit et augmente , le râle prend peu à peu le caractère’que Laënnec a décrit sous le nom de râle muqueux , et qui paraît au déplacement du liquide par la colonne d’air qui pénètre dans les bronches et en sort dans les mouvemens alternatifs d’inspiration et d’expi¬ ration ; il est souvent accompagné de râle sibilant , et quel¬ quefois de ronchus grave. Du reste le bruit naturel de la res¬ piration s’entend encore; mais il est quelquefois diminué" d’in¬ tensité , ou même suspendu dans divers points , à raison de

BRONCHITE AIGUE. 41

i’occlusion passagère des conduits bronchiques par la matière des crachats , comme le prouve son rétablissement subit après quelques efforts de toux ou l’expectoration de quelques cra¬ chats. L’étendue de la poitrine , dans laquelle ces différens râles se font entendre , peut donner la mesure de l’étendue qu’occupe l’inflammation elle-même : le râle muqueux dispa¬ raît souvent chaque matin après l’expectoration , quand la bronchite est légère.

A ces phénomènes locaux se joignent- des symptômes gé¬ néraux» plus ou moins intenses , suivant la gravité de la mala¬ die. La céphalalgie et la douleur épigastrique , qui semblent être produites presque mécaniquement par la toux, et qui, dans le principe , ne se font sentir que pendant et après les quintes, deviennent ordinairement continues. La face est rouge, quelquefois même un peu gonflée ; l’appétit est nul , la langue blanche , la bouche pâteuse , soif en- général peu vive , quel¬ ques malades même répugnent aux boissons ; le pouls est fré¬ quent, la peau chaude et souvent moite , l’urine rare et de couleur foncée. La plupart de ces symptômes's’ exaspèrent mo¬ mentanément pendant les quintes de toux. Ils offrent ordi¬ nairement aussi chaque soir, pendant plusieurs heures, une augmentation d’intensité qui constitue le paroxysme. Dans ces paroxysmes , la toux est plus fréquente, plus douloureuse , plus sèche, et la matière expectorée acquieft une viscosité plus grande. Le matin, après une quinte plus ou moins longue et pénible, l’expectoration se rétablit, les crachats sont plus épais, et Us ont perdu leur viscosité. Chez quelques individus, cha¬ que exacerbation est précédée de frissons légers ; chez d’au¬ tres, il y a de deux en deux jours un redoublement plus fort: une sueur plus ou moins abondante marque ordinairement le déclin de ces espèces d’accès.

En général la bronchite, quand elle est intense, offre dans son cours trois périodes distinctes : dans la première, la cha¬ leur de poitrine est vive, la toux fréquente et sèche, la ma¬ tière expectorée claire, transparente , sans viscosité, l’op¬ pression marquée , la peau séché , le pouls souvent plein et dur ; dans la seconde , la toux devient plus humide , les cra¬ chats plus consistans ; dans la troisième, la chaleur de poi¬ trine et la dyspnée cessent, la toux est plus rare , les crachats sont opaques , quelquefois même puriformes ; la toux s’hu-

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BROKCUIXË AIGGë.

mecte, l’urine est plus abondante ou sédimenteuse,i parfois une légère diarrhée survient , le sommeil se rétablit, le mou¬ vement fébrile cesse , et l’appétit revient. Telle est la marche ordinaire de cette affection, dont l’issue est communément heureuse , et dont la durée moyenne est de deux à six se¬ maines.

Chez un certain nombre de sujets , la terminaison de la bron¬ chite est incomplète : tantôt elle passe à l’état chronique, et tantôt il reste seulement une petite toux sèche qui persiste pendant fort long-temps , et laisse au malade une disposition très grande à contracter de nouveau la même inflammation. ' Enfin la mort peut en être aussi le terme: c’est surtout aux deux extrêmes de la vie que cette terminaison s’observe. La suppression des crachats et une dyspnée croissante avec un râle plus ou moins fort la précèdent et l’annoncent. Remar¬ quons par avance que chez les personnes qui succombent avec les symptômes d’une bronchite aiguë- intense , fréquemment on trouve , outre les lésions qui se rattachent à cette maladie , soit une inflammation du tissu pulmonaire , des plèvres ou du péricarde , soit une altération organique des poumons ou du cœur.

La bronchite aiguë se présente sous des formes variées , à raison des phénomènes généraux qui l’accompagent , de quel¬ ques phénomènes locaux qui en modifient la forme, et du siège qu’affecte l’inflammation. Relativement aux symptômes généraux , les variétés qu’elle offre dépendent de la disposi¬ tion particulière du sujet : chez les individus pléthoriques le pouls est large et résistant, les tégumens sont injectés , les chairs fermes, la chaleur est halitueuse, des hémorrhagies ont lieu par diverses voies , et particulièrement par les narines : c’est, le catarrhe inflammatoire de quelques auteurs. D’autres fois la réaction est faible, le visage pâle, les. chairs sont mol¬ les , le pouls est sans résistance : c’est communément chez les individus affaiblis par l’âge ou par d’autres causes mani¬ festes 4 que la bronchite revêt cette forme. Il est rare que l’in¬ tensité seule de cette phlegmasie produise une prostration con¬ sidérable de forces chez une personne d’ailleurs saine et ro¬ buste. Dans un petit nombre de cas l’amertume de la bouche, la soif, l’enduit jaunâtre de la langue, la couleur jaune de l’urine , la teinte analogue et la chaleur âcre et sèche de la

BRONCHITE AIGUE.

peau , et quelquefois l’évacuation de matières bilieuses par la bouche ou par l’anus , caractérisent une des variétés de la bronchite, anciennement désignée sous le nom de fausse pé¬ ripneumonie bilieuse ou fièvre catarrhale bilieuse.

Relativement aux phénomènes locaux , on a admis deux va¬ riétés principales ; \s.bronchite avec quintes,, dans laquelle la toux a lieu par quintes très répétées et très pénibles , sans offrir tou¬ tefois les caractères tout spéciaux de la coqueluche [voyez ce mot), et la bronchite suffocante , dans laquelle la dyspnée est portée au point d’entraîner la mort en peu de jours. Cette affec¬ tion se présente avec des symptômes si tranchés , qu’il nous a paru préférable d’en faire un article à part, sous le nom de catarrhe suffocant,, dénomination qui lui est donnée le plus or¬ dinairement. {J''oy, ce mot.)

La bronchite offre, relativement à son siège, deux principales variétés : tantôt elle est bornée aux bronches elles-mêmes et à leurs premières divisions; tantôt elle s’étend à leurs dernières ramifications : cette seconde forme a reçu les dénominations às. catarrhe pulmonaire profond , bronchite capillaire ou ramuscii- laire. On l’observe plus fréquemment chez les enfans qu’à tout autre âge. Au début, la toux est ordinairement sèche, profonde, quelquefois elle a lieu par quintes, comme convulsives, à la suite desquelles l’oppression est extrême ; on entend, au moyen de l’auscultation , un râle sibilant très prononcé , simulant dans quelques cas, suivant l’expression métaphorique de M. Ré- camier, un bruit de tempête. Un peu plus tard, le râle devient muqueux et sous-crépitant , le bruit respiratoire est un peu moins intense que de coutume, la sonoréité du thorax restant normale. La marche cette affection est généralement ra¬ pide : quelquefois en trois ou quatre jours elle atteint son maxi¬ mum d’intensité, et souvent alors -elle se termine d’une ma¬ niéré funeste , quoique exempte de toute complication ; d’au¬ tres fois aussi l’inflammation gagne peu à peu le tissu pulmo¬ naire, et la maladie devient promptement mortelle.

La bronchite aiguë est quelquefois compliquée d’angine, de pneumonie, de pleurésie, ou d’emphysème pulmonaire. Elle coïncide assez fréquemment, surtout chez les enfans , avec une irritation gastro-intestinale.

Relativement à sa complication avec la pneumonie, taïu t cette dernière affection survient quelques jours après l’inva-

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BRONCHITE AIGEE.

sion de la bronchite, qui peut en être alors considérée en quel¬ que sorte comme le premier degré, et tantôt ces deux maladies se développent simultanément et marchent de concert. Dans le premier cas, les symptômes la bronchite se fondent, pour ainsi dire , dans ceux de la pneumonie, le râle crépitant suc¬ cède au râle muqueux , la gêne de la respiration augmente , les crachats deviennent sanguinolens et visqueux , etc.; presque tous les phénomènes qui appartenaient à l’inflammation des bronches ont disparu. Dans le second cas , au contraire , les sjTnptômes de la phlegmasie parenchymateuse sont quelque¬ fois obscurs et faciles à méconnaître. Au milieu de crachats muqueux abondans, on en aperçoit çà et quelques-uns dont la viscosité est plus grande, dont la couleur offre une teinte légèrement jaune, verte ou rouge, et l’auscultation a besoin d’être pratiquée avec une grande attention et en divers en¬ droits du thorax , pour discerner le râle crépitant de la pneu¬ monie, masqué comme il l’est par un râle muqueux plus ou moins fort.

Le diagnostic de la bronchite aiguë est généralement facile à établir d’après les caractères que nous avons indiqués plus haut. La pleurodynie , qui l’accompagne quelquefois, pourrait faire croire à l’existence d’une pleurésie ou d’une pleuropneu¬ monie ; mais ces erreurs , le plus souvent sans conséquence sous le rapport du traitement, peuvent presque toujours être évitées par l’examen scrupuleux des crachats, delà respiration, et par la réunion des signes que fournissent la percussion et l’auscultation.

Le pronostic est presque toujours favorable ; il n’est grave qu’autant que l’inflammation est à la fois très intense et très étendue, ou survient chez des sujets très faibles , comme de très jeunes enfans , des vieillards et des individus atteints d’une maladie organique des poumons et du cœur, ou même des viscères abdominaux.

A l’ouverture du corps desr personnes qui succombent à cette affection, on trouve la membrane muqueuse des bronches d'un rouge plus ou moins prononcé , dans une partie ou dans la totalité de son étendue. Quelquefois la rougeur ne dépasse pas les bronches principales; d’autrefois elle existe sur les ra- muscules seulement. Ordinairement la rougeur , au lieu d’être uniformément répandue, est disposée par plaques, par points,

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BRONCHITE AIGUE.

par zones , ou par arborisations. L’épaisseur de la membrane muqueuse est souvent augmentée ; c’est particulièrement dans les petites bronches que cet épaississement est notable : coriime la rougeur , il .peut être borné à un point circonscrit. Dans quel¬ ques cas rares, la membrane muqueuse est ramollie ou du moins sa consistance est un peu moindre. Plus rarement encore cette membrane offre une véritable gangrène. Quelquefois le mucus bronchique , plus abondant que de coutume , est rou¬ geâtre et visqueux ; d’autrefois il s’est transformé en matière puriforme. Quant aux fausses membranes qu’on a vu revêtir quelques points de cette membrane muqueuse , elles sont le résultat d’une affection spéciale dont il sera traité ailleurs. ij'oy. Croup.) Les ganglions bronchiques, chez les jeunes sujets particulièrement , sont assez souvent gonflés et rouges.

Le traitement de la bronchite aiguë varie à raison de son intensité et de la forme particulière qu’elle revêt. La bronchite légère, qui cesse souvent en peu de jours, et presque sans le secours d’aucun médicament , ne doit pas être traitée comme la bronchite intense. On se borne , dans le premier cas, à re¬ commander aux malades d’éviter les conversations prolongées et à haute voix, l’exposition au froid et à l’humidité, de se vêtir plus chaudement, et on leur prescrit une de ces boissons adou¬ cissantes ; auxquelles on donne généralement le nom de pecto¬ rales, telles que l’infusion de fleurs de violettes, de mauve ou de bouillon blanc , les décoctions de gruau , de jujubes , de dattes , la solution de gomme arabique , etc.-, édulcorées avec le sucre, le miel ou le sirop de guimauve, de capillaire, etc. Ces tisanes doivent être prises tièdes , en petite quantité à la fois, et à des intervalles plus ou moins rapprochés. Quelquefois on les coupe avec du lait. Les pâtes et les tablettes de jujubes, de guimauve, sont aussi d’un assez fréquent usage. Si la maladie résiste à ces remèdes , on parvient, dans quelques cas , à la dis¬ siper en provoquant une sueur copieuse par l’exercice ou par des boissons diaphorétiques. Un purgatif doux, tel que la manne ou l’huile de ricin, a plusieurs fois eu le même résultat. Les hommes habitués aux liqueurs spiritueuses parviennent souvent à dissiper une bronchite commençante en avalant du vin chaud sucré, de l’eau-de-vie brûlée ou du rhum. Cette pratique, assez répandue aux armées et dans les contrées froides et humides, M. Laënnec la regardait comme tout-à-fait héroïque , et l’em-

46 BRÔÎVCHITE AIGUË.

ployait toutes les fois qu’il n’existait pas de contre-indication évidente, c’est-à-dire une inflammation de l’estomadou des intestins, une constitution éminemment sanguine ou trop irri¬ table, ou une affection catarrhale assez violente pour faire craindre une péripneumonie.

Dans la bronchite intense, un traitement plus énergique est indiqué. Le malade doit garder la chambre et même le lit, respirer un air d’une température douce et égale, ob¬ server un silence complet, et être soumis à la diète des mala¬ dies aiguës. La saignée générale est souvent nécessaire et presque toujours utile : les principaux signes qui l’indiquent sont la chaleur de poitrine, l’oppression, la céphalalgie et la violence du mouvement fébrile. Il faut la répéter , une ou plu¬ sieurs fois, si la persistance des symptômes l’exige. Lorsque l’état du pouls , l’âge des malades , ou quelque autre circons¬ tance particulière, ne permettent pas d’employer la saignée générale , on la remplace par des sangsues appliquées dans les points le râle est le plus abondant. Les ventouses scarifiées , regardées par Laënnec comme bien préférables aux sangsues, nous ont paru quelquefois aussi efficaces ; mais la douleur qu’elles occasionent les rend difficiles à conseiller chez les personnes d’une vive sensibilité , et chez les enfans surtout. Les sangsues sont particulièrement indiquées dans les' cas il faut suppléer à une hémorrhagie habituelle. Du reste on a recours aux mêmes boissons que dans la bronchite légère; on y joint les pbtions gommeuses, huileuses, les looks, les juleps, plutôt peut-être pour diminuer l’irritation du pharynx et la toux , dont eUe est une des causes, que dans le but d’agir contre le catarrhe pulmonaire lui- même. C’est de la même manière qu’agit sans doute un moyen populaire , recommandé par le célèbre Baglivi ; v.Boli ex butyro recenti cum saccharo mixti et Desperè sumpti, vehementissirnas tusses catarrhales demulcent.n ( Prax med. ) L’inspiration de vapeurs émollientes agréable¬ ment chaudes convient pour diminuer la sécheresse de la toux, la viscosité de quelques crachats et la difficulté de les expectorer. Les cataplasmes émolliens appliqués sur la poi¬ trine , et souvent renouvelés ou maintenus chauds , à l’aide de flanelle et de taffetas gommé dont on les recouvre, sont , parti¬ culièrement chez les enfans , d’une certaine utilité. Les pé- diluves simples , ou rendus irritans au moyen du sel commun ,

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BRONCHITE AIGtE. de la potasse, du savon, préférablement à la farine de mou¬ tarde qui excite à tousser , doivent être employés concurrem¬ ment avec les autres moyens et répétés plusieurs fois dans le jour. Quand l’inflammation paraît pénétrer jusqu’aux radi- , cules bronchiques , un traitement très énergique devient in¬ dispensable : c’est celui des pneumonies les plus graves ( voy. ce mot).

Lorsque la bronchite aiguë’ se prolonge au delà de la seconde et de la troisième semaine, sans que des causes extérieures l’aient en quelque sorte renouvelée, lorsque la chaleur de poitrine, la dypsnée, la résistance du pouls, ont disparu, on prescrit quelquefois avec avantage des boissons diaphoréti- ques, telles que l’infusion de feuilles de bourrache, de fleurs de sureau , d’œillet, et plus généralement des tisanes aroma¬ tiques, telles que l’infusion de lierre terrestre, de serpolet, de sauge, la décoction d’ année, depolygala ou de lichen. C’est vers la même époque que l’on conseille l’usage, des purgatifs doux, et des topiques rubéfians ou vésicans appliqués sur le thorax, sinapismes, vésication par les cantharides , l’ammo¬ niaque , l’émétique, l’huile de croton-tiglium ; mais en général il faut attendre, pour avoir recours à ces derniers moyens, que le mouvement fébrile ait cessé, ou qu’il soit considérable¬ ment diminué, sans quoi les vésicatoires pourraient augmenter l’appareil fébrile et l’inflammation catarrhale elle-même. Si la maladie n’a plus qu’une intensité médiocre, on peut se borner à couvrir le thorax , dans les points les plus affectés , d’un large, emplâtre de poix de Bourgogne ou de sparadrap de dia- chilon gommé, qui ne produit qu’une rubéfaction modérée , avec ou sans démangeaison , et protège les parties qu’il re¬ couvre contre les variations de la température.

Les vomitifs et les narcotiques sont encore des moyens qu’on a très fréquemment employés dans le traitement de la maladie qui nous occupe : mais les uns et les autres exigent du discer¬ nement dans l’usage qu’on en fait. Les vomitifs, préconisés par quelques médecins, comme des spécifiques, ne méritent nul¬ lement ce nom. On peut les donner avec avantage, lorsque la chaleur est peu élevée , la circulation médiocrement accé¬ lérée, la soif peu intense et la langue enduite d’un mucus jau¬ nâtre, accompagné d’une saveur pâteuse et amère. Ils sont aussi quelquefois utiles comme révulsifs lorsque le mouve-

48 BRONCHITE CHRONIQUE,

ment fébrile commence à diminuer; mais , administrés sans indication spéciale, ils produiraient le plus ordinairement de mauvais effets. Chez les très jeunes enfans, les vomitifs ont le double avantage de débarrasser l’estomac des crachats que la digestion y a portés, elles bronches de ceux qui y sont en¬ core contenus. Les enfans , comme on l’a crachent dans leur estomac, et le vomissement est leur seul mode d’expectorer : toutefois on ne doit chez eux user des vomitifs qu’avec une grande circonspection, choisir les plus doux , comme le sirop ou la poudre d’ipécacuanha, et ne pas oublier qu’ils provoquent et augmentent souvent le dévoiement, et inspirent quelquefois aux enfans une sorte d’horreur pour toute espèee de boisson.

Quant aux narcotiques , ils sont particulièrement usités pour calmer les quintes de toux et l’insomnie ; mais ils ne produi¬ sent ce double effet que dans le cas il n’existe ni embar¬ ras des premières voies, ni appareil fébrile bien intense. Ces deux conditions doivent généralement en faire retarder l’u¬ sage jusqu’à ce. qu’elles aient été éloignées par un vomitif ou par [la saignée. Parmi les narcotiques qu’on emploie de pré¬ férence, le sirop de pavots blancs, l’extrait aqueux d’opium, et les sels de morphine, occupent le premier rang. Des es¬ sais assez nombreux recommandent aussi l’usage de la bel¬ ladone , qui paraît avoir une action particulière sur les organes de la respiration; mais jusqu’à présent aucune expérience positive ne justifie la préférence que quelques praticiens ont cru pouvoir lui attribuer sur les opiacés. A défaut de nar¬ cotiques, le bain tiède nous a souvent paru le moyen le plus efficace de faire cesser la toux, principalement chez, les enfans, lorsqu’elle se présente sous forme de quintes et qu’elle n’est point accompagnée d’expectoration. Lorsque la bronchite aiguë est accompagnée de très peu de réaction et, qu’elle pa¬ raît liée à une faiblesse réelle , il est indispensable de rem¬ placer la méthode antiphlogistique, dès le début même, par les révulsifs cutanés et les toniques.

Enfin si, à l’aide des moyens que nous venons d’indiquer, la maladie passe à l’étal chronique , on lui oppose le traitement usité contre cette variété de la bronchite.

§ II. Bronchite chronique. Elle se montre particulièrement chez les vieillards , chez les enfans, et en général chez les per-

BRONCHITE CHRONIQUE. 49

sonnes d’une constitution faible. Elle est quelquefois primitive; mais le plus souvent elle survientà la suite de plusieurs bron¬ chites aiguës, dont elle n’est que la prolongation. Dans quelques cas, elle est liée à une autre affection, et en particulier à une maladie organique du cœur ou aux tubercules pulmonaires.

Ses principaux symptômes sont l’expectoration facile ou laborieuse de crachats ordinairement blancs , jaunâtres ou verdâtres, opaques, ténaces, plus ou moins abondans, rejetés surtout le matin , une toux légère ou fatigante, plutôt humide que sèche , revenant quelquefois par quintes ; des douleurs vagues dans la poitrine et un peu de dypsnée, surtout après l’exercice , et un râle muqueux plus ou moins abondant. Chez beaucoup de sujets, la bronchite chronique est une ma¬ ladie toute locale, si légère quelquefois, qu’elle semble être un vice de sécrétion plutôt qu’une phlegmasie de^la membrane muqueuse des bronches. Ailleurs elle est accompagnée d’un mouvement fébrile obscur ou manifeste, avec redoublemens, de diminution de l’appétit , de l’embonpoint et des forces.

La marche de cette maladie est généralement influen¬ cée par les saisons ; ainsi, débutant assez souvent en automne ou en hiver, on la voit ordinairement s’adoucir au commen¬ cement des grandes chaleurs, et s’exaspérer au retour des premiers froids. Sa durée n’a rien de fixe : quelquefois , après plusieurs mois ou même un an ou deux, la bronchite chroni¬ que disparaît peu à peu et sans qu’il en reste aucune trace; chez certains individus, elle peut durer pendant longues an¬ nées sans menacer leur existence et sans qu’ils se regardent comme malades. Mais chez d’autres, les crachats, de plus en plus abondans, prennent un aspect puriforme; le dépérisse¬ ment augmente de jour en jour; la fièvre, qui n’était guère sensible que vers le soir, devient continue, avec des redou¬ blemens nocturnes et des sueurs matinales; et la mort termine quelquefois cette succession de phénomènes , qui ressemblent beaucoup à ceux de la phthisie pulmonaire tuberculeuse. D’au¬ trefois la bronchite chronique passe à l’état aigu, l’inflamma¬ tion envahit la plèvre ou le tissu pulmonaire, et cette trans¬ formation est tantôt funeste , tantôt favorable au malade. On a vu , dans quelques cas , l’apparition d’une fièvre intermit¬ tente ou d’un exanthème chronique amener aussi cet heu¬ reux résultat.

Dict. de Méd. vi, 4

50 BRONCHITE CHRONIQUE.

On a admis plusieurs variétés de bronchite chronique : ainsi Laënnec a.nommé catarrhe sec celle qui est caractérisée par une toux très fatigante, une oppression sensible et un râle sibilant, sans expectoration ou avec une expectoration très peu abon¬ dante de crachats globuleux très petits, jamais mêlés d’air, demi- transparens, d’un gris de perle et de consistance d’empois. Sui¬ vant le même observateur, cette variété du catarrhe chronique est commune chez les goutteux, les hypochondriaques, les dar- treux surtout et les sujets dont la constitution a été détériorée par des excès quelconques. Elle existe souvent à un léger degré chez des sujets d’ailleurs sains et même robustes ; presque tous les habitans des côtes maritimes en sont, au rapport de ce médecin , attaqués à un degré quelconque. Sous le nom de catarrhe pituiteux , Laënnec a décrit cette forme de la bron¬ chite chronique qui est caractérisée par une toux suivie d’ex¬ pectoration abondante de crachats transparens , incolores , iilans, spumeux à la surface, et semblablessà du blanc d’œuf délayé dans l’eau. La quantité du liquide expectoré est quel¬ quefois en vingt-quatre heures de quatre ou six livres.

Le diagnostic de la bronchite chronique est facile dans le plqs grand nombre des cas; néannaoins la phthisie pulmo¬ naire offre quelquefois assez de ressemblance avec elle pour qu’on puisse alors les confondre: c’est dans ces circonstances douteuses qu’on la désigne sous le nom de bronchite suspecte. Le diagnostic en sera établi avec tous les détails convenables à l’article Phtpisie pulmonaire, afin d’éviter les répétitions inutiles.

Lé. pronostic de la bronchite chronique n’est grave, à pro¬ prement parler, que lorsqu’elle est accompagnée dépé¬ rissement.

A l’ouverture des cadavres, on trouve la membrane mu¬ queuse des bronches le plus souvent violacée, brune ou gri¬ sâtre, quelquefois blanche ou à peine rosée, ordinairement tapissée par un mucus purifprme, plus ou moins adhérent, ou par du pus bien lié , analogue a celui du phlegmon. Elle est quelquefois nianifesteraent épaissie, assez rarement ra¬ mollie ou ulcérée. Les dilatatipns des extrémités bronchiques sont ici plus communes que dans la bronchite aiguë (voyez Bronches (maladies des). Lés ganglions bronchiques sont déve¬ loppés, quelquefois rouges ou brunâtres, mollasses, faciles

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BRONCHITE CHRONlQtE. à réduire par la pression en une espèce de putrilage. Sui- vaut Laënnec, dans le catarrhe sec, le gonflement de la membrane muqueuse bronchique, qui offre une couleur rouge, est surtout remarquable dans les petits rameaux qui en sont quelquefois entièrement obstrués. Lorsqu’ils ne le sont pas complètement, dit-il, ils sont souvent bouchés par une ma¬ tière très visqueuse, de consistance d’empois, ou un peu plus forte, disposée en globules de la grosseur d’un grain de che- nevis ou de millet. Quant aux tubercules, qu’on trouve quelque¬ fois alors , soit dans les ganglions bronchiques , soit dans le parenchyme pulmonaire , ils nous paraissent constituer une complication accidentelle. Aux articles Phthisie pulmonaire et Tubercules, on examinera avec tout le soin que mérite une telle question les rapports de causalité qu’on a cru trouver qntre ces deux affections.

Le traitement de la bronchite chronique n’est pas toujours couronné de succès : la moins intense résiste souvent avec opiniâtreté à tous les moyens qu’on lui oppose , et celle qui est grave peut, malgré toutes les ressources de l’art, se ter¬ miner par la mort. La plupart des médecins recommandent dans cette maladie l’emploi des substances amères et aroma¬ tiques, telles que le lichen d’Islande, qu’on fait prendre en décoction, en gelée, en pâte et en tablettes; les infusions de lierre terrestre , de' sauge, de polygala ; les décoctions de quinquina; les eaux minérales sulfureuses d’Enghien, de Bon¬ nes , de Cauterets, de Barèges; les eaux du Mont-d’or ; l’inspi¬ ration de vapeurs résineuses et aromatiques, comme celles de benjoin, de succin, de baies de genièvre, de goudron, celles d’iode ou des chlorures alcalins. Mais ces divers moyens, assez efficaces dans quelques circonstances , ont paru impuis- sans chez un grand nombre de malades , et dans quelques cas , assez rares à la vérité, des moyens opposés ont parfaitement réussi. Dans les cas, par exemple, la bronchite a été en¬ tretenue et renouveléè par des causes extérieures , dans ceux elle est liée à un état pléthorique; dans ceux encore elle reconnaît pour cause occasionelle la suppression d’une hémorrhagie, elle conserve encore, après plusieurs mois , et même après quelques années, un caractère d’acuité qui indi¬ que le traitement des bronchites récentes. Les boissons adou¬ cissantes, la diète lactée, ou un choix d’alimens doux, etquel-

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BRONCHITE CHRONIQUE, quefois une OU plusieurs évacuations sanguines ont alors été suivies d’une guérison complète. Comme auxiliaires , on recom¬ mande en même temps l’usage de vêtemens de flanelle portés immédiatement sur la peau, les frictions faites matin et soir avec la laine ou avec une brosse douce , l’habitation dans une chambre exposée au midi , soit à la campagne, soit, et mieux encore s’il est possible, dans un climat plus chaud. Les révulsifs à la peau sont généralement usités dans la bronchite chronique, comme dans la période de déclin delà bronchite aiguë. On les emploie communément sous les mêmes formes; mais quelque¬ fois on préfère la révulsion produite par les cautères, quand surtout le mal est opiniâtre, et par le séton dans les cas la vie est en péril. On applique ce dernier moyen sur les parois de la ]>oitrine. Quant aux vésicatoires et aux cautères, on les établit , soit sur le thorax lui-même, soit aux membres s jpérieurs ou inférieurs. Les purgatifs doux et même les drastriques, les vo¬ mitifs répétés, ont été employés par quelques médecins dans le même but que les exutoires cutanés, c’est-à-dire à titre de révulsif, mais on ne saurait être trop circonspect dans l’em¬ ploi d’un pareil traitement.

Lés bons effets obtenus de certaines substances dans d’au¬ tres affections catarrhales, et en particulier l’action presque spécifique du Copahu, du poivre cubèbe, de la térébenthine dans la blennorrhée, ont conduit quelques auteurs à proposer les mêmes remèdes contre le catarrhe chronique des bron¬ ches ; mais jusqu’ici l’expérience n’a pas confirmé l’espoir qu’ils avaient conçu.

Guidé par des idées théoriques, le docteur Drake de New- York ( The Americ. journal of the med. sciences, may 1828 ) a con¬ seillé et mis en usage l’inspiration de l’air froid dans les phleg- masies aiguës ou chroniques des bronches. Pour exciter en même temps une action révulsive à la surface du corps, il fait envelopper la poitrine dans un vêtement ouaté avec de la laine et doublé de fourrure. Il fait ensuite placer le malade dans un lit bien chaud, ou bien il le met dans un bain à la température de 98“ F. (29 R.). Dans cette situation, il lui fait respirer, au moyen d’un tube, l’air atmosphérique lorsque sa température est assez basse ; dans le cas contraire, il fait passer l’air dans un réservoir il le refroidit jusqu’à 40“ F. ( 3“ R.) au moyen |de la glace. Il fait ainsi continuer l’inspiration de l’air froid*,

BRONCHITE CIIRONIQTJE. 53

ordinairement pendant une heure , et il y revient jusqu’à trois fois par jour. C’est surtout pendant la saison chaude , selon lui-, que cette médication est plus avantageuse. Lorsque la température de l’air inspiré n’est pas supérieure à 50° F. (8° R.)? il en résulte constamment une sensation agréable de fraîcheur dans la poitrine , accompagnée parfois d’élancemens doulou¬ reux dans les épaules, que les malades rapportent aux parties extérieures et aux muscles. Le pouls , s’il est fréquent, diminue de vitesse au point d’être quelquefois réduit à dix ou douze pulsations par minute. Ce moyen calme généralement la toux, et au bout de deux ou trois jours il diminue sa fréquence de moitié, en rendant l’expectoration plus libre et plus facile : la chaleur devient plus supportable, et la peau elle-même devient plus souple et plus douce au toucher. Nous ne dirons rien ici d’une telle médication, dont on ne pourrait apprécier juste¬ ment la valeur qu’à l’aide de nouvelles et nombreuses expé¬ rimentations. -

11 est à peine nécessaire de rappeler que si la cause con¬ nue ou présumée de la maladie fournit quelque indication spéciale, on ne doit pas négliger de le remplir. Nous avons vu des enfans chez lesquels une bronchite existait depuis plu¬ sieurs années , obtenir une prompte guérison, en rappelant au cuir chevelu ou derrière les oreilles un eczéma dont la dis¬ parition avait précédé le développement du catarrhe.

Dans le cas la toux est assez fréquente pour troubler le sommeil , les narcotiques peuvent être employés comme dans la bronchite aiguë : Laënnec conseillait spécialement la pou¬ dre récemment préparée de belladone ou de stramonium , à la- dose d’un demi-grain à un grain : il lui attribuait la pro¬ priété de diminuer le besoin de respirer, et par conséquent l’oppression. Ces substances narcotiques produisent sans doute quelquefois cet effet; mais le plus souvent elles déter¬ minent la sécheresse de la gorge, augmentent la soif, dimi¬ nuent l’expectoration, et sont alors manifestement nuisibles.

Un desaccidens les plus fâcheux de la bronchite chronique, c’est la diminution rapide ou la suppression complète de l’ex¬ pectoration. Quelquefois on en trouve la cause dans une recru¬ descence de l’inflammation, et c’est alors aux antiphlogistiques qu’il faut recourir. Ailleurs , c’est au développement d’une au¬ tre maladie que cet effebdoit être attribué; et c’est en corn-

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BROSCIIITE ( BIBLIOGR. ).

battant la maladie qui survient qu’on peut rétablir l’expecto¬ ration. Dans les cas rien n’expliquait la suppression des crachats , on a retiré quelquefois de bons effets de l’oxymel scillitique, du soufre doré d’antimoine ou du sirop d’ipéca- cuanba.

Quant au traitement particulier du catarrhe pituiteux et de la bronchite sèche, quoique les purgatifs, dans le premier cas, et les narcotiques, dans le second, puissent paraître théori¬ quement indiqués , toutefois ici, comme dans les autres for¬ mes de la maladie , le traitement doit varier à raison des con¬ ditions individuelles; Chomel et Blache.

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BRONCHOTOMIE. Opération qui consiste à pratiquer une ouverture aux voies aériennes , soit à la trachée-artère , soit au larynx , soit à ces deux canaux en même temps. Ces trois modes d’opérations ont reçu les noms particuliers de tra¬ chéotomie , trachéo-laryngotomie , et laryngotomie.

Les cas pour lesquels on a proposé de pratiquer la broncho¬ tomie sont très nombreux ; et afin de pouvoir déterminer avec précision ceux dans lesquels cette opération est positivement indiquée, et les circonstances elle serait inutile et nuisible, il nous parait d’abord convenable de décrire lés différens mo¬ des suivant lesquels elle peut être exécutée , en rappelant en même temps les faits principaux qui se rattachent à son his¬ toire.

Si l'on a égard au but qu’on peut se proposer d’atteindre en pratiquant la bronchotomie, on voit que , dans un certain nom¬ bre de circonstances , il faut faire une grande ouverture aux voies aériennes afin de pouvoir en extraire un corps étranger ou une tumeur, et que d’autres fois une ouverture beaucoup plus petite doit suffire, parce qu’il ne s’agit que de rendre possiblè l’entrée de l’air dans les poumons. Pour remplir la première indication, il faut fendre de bas en haut quatre, cinq et même quelquefois six anneaux de la trachée-artère , ou les deux pre¬ miers annèaüx de ce canal et le cartilage cricoï de , ou seule¬ ment le cartilage thyroïde , tandis que, pour remplir la se¬ conde , on se borne à pratiquer une incision transversale entre le troisième et le quatrième anneau de la trachée-artère , ou à diviser en travers la membrane crico-thÿroïdienne.

L’appareil pour cette opération doit êtfé composé d’un bis- ouri droit ou conyexe sur son tranchant, d’une sonde cannelée

BRONCHOTOMIE.

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flexible , d'un bistouri boutonné , à lame étroite , de pinces à disséquer , d’aiguilles à ligature , de fils cirés , d’une éponge fine, d’emplâtres agglutinatifs , de charpie, de quelques com¬ presses et d’une bande.. En outre, on se munira d’une ou plu¬ sieurs canules, auxquelles seront fixés des rubans pour les maintenir, si l’opération est pratiquée pour livrer à l’air un passage accidentel plus ou moins permanent ; l’on aura des pinces courbes et déliées si l’on a pour but d’extraire quelque corps étranger.

Trachéotomie. Le malade étant couché sur le dos , ayant la tète légèrement penchée en arrière, le chirurgien, placé à droite , pratique à la peau et sur la ligne médiane, avec un bis¬ touri convexe, une incision qui doit s’étendre de la partie infé¬ rieure du larynx jusque vers la partie supérieure du sternum ; il incise ensuite avec précaution le tissu cellulaire placé entre les muscles sterno-hyoïdiens et sterno-thyroidiens droits et gauches. 11 reconnaît avec le doigt indicateur , et quelquefois il voit distinctement la partie antérieure de la trachée-artère. Il la fait assujettir par un aide. Il fixe alors ce canal entre le pouce et l’indicateur gauches, et, dans ce cas, il appuie l’extrémité de ce dernier doigt sur la membrane qui sépare le quatrième et le cinquième anneau fibro - cartilagineux , et il s’en sert comme d’un conducteur, le long duquel il fait glisser le bis¬ touri droit pour le plonger dans cette membrane ; il achève l’opération en coupant de bas eu haut les quatre anneaux tra¬ chéens supérieurs , en évitant d’intéresser la partie inférieure delà glande thyroïde. Si la plaie lui paraît trop petite , il se sert du bistouri boutonné , ou du bistouri ordinaire, conduit sur la jsonde cannelée, pour couper un ou deux anneaux vers son an¬ gle inférieur.

^ En exécutant cette opération , on est ordinairement obligé de faire absterger à plusieurs reprises avec l’éponge le sang qui s’écoule des veines thyroïdiennes inférieures divisées. On est quelquefois forcé de faire la ligature de ces veines , qui sont d’autant plus distendues , que la respiration est plus gênée , ou que le malade pousse des cèis plus violens et plus prolongés. Il peut résulter de la section de ces vei¬ nes upe hémorrhagie tellement grave et tellement violente, que l’on- soit obligé d’abandonner l’opération sans la terminer.

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BUONCHOTOMIE.

J’ai entendu dire au professeur Peyrilhe que ce cas s’était pré¬ senté à Ùèsault. Si le sang veineux coulé trop abondamment , on peut , à l’exemple M. Récamier et de quelques autres chirurgiens , suspendre l’opération pour quelques heures , ou remèttre au lendemain pour la terminer , si rien n’oblige de faire à l’instant même ; on peut au moins attendre quelques minutes , afin que le calme de la respiration vienne arrêter l’héndofrhagie. Dans le cas il est instant d’ouvrir la tra¬ chée, on doit pas hésiter à lier les veines divisées , ou, qui est encorepréférable, à inciser promptementle canal aérien. II ne faut pas s’effrayer de cetté hémorrhagie veineuse : en calmant les inquiétudes du malade, et en l’engageant à faire de grandes inspirations, le sang s’arrête bientôt de lui-même. S’il s’épanchait dans la trachée , et qu’il déterminât des accidens , on pourrait suivre l’exemple de Virgili, chirurgien de Cadix, qui fit cesser la suffocation en agrandissant de suite l’incision déjà pratiquée ; il fendit la trachée jusqu’au sixième anneau , et cette large ouvérture livra facilement passage au sang qui remplissait ce conduit ; il favorisa la sortie du sang en faisant incliner la tête du malade en bas , la face tournée vers la terre. '^Mém. de V Acad. roy. de. chir., 1. 1, p. 582, in-4“.) Ce fut dans un cas semblable que M. Roux fit cesser tout de suite la suffocation d’un de ses malades en plaçant la bouche sur sa plaie , et en as¬ pirant avec force les fluides épanchés dans la trachée-artère.

On trouve chez quelques sujets une artère thyroïdienne mé¬ diane inférieure qui remonte devant la trachée-artère. Avant d’inciser le tissu cellulaire qui revêt les muscles stèrno-hyoï- diens , il faut s’assurer avec le doigt si ce vaisseau existe afin de l’éviter, ou de le lier avant de pratiquer l’incision de la tra¬ chée. On recommande avec raison d’inciser la trachée-artère de bas en haut, plutôt que de haut en bas , parce que si le bis¬ touri était poussé un peu trop loin dans cette dernière direc¬ tion , on pourrait blesser le tronc de l’artère carotide droite ou celui la veine sous-clavière gauche. Pour couper facile¬ ment les anneaux de la trachée-artère sans blesser la paroi postérieüré ,- on peut se servir du bistouri boutonné , ou em¬ ployer dés ciseaux cbürbès sur leurs bords , comme l’à pro¬ posé M. Percy, Toutefois le bistouri est le plus généralement employé,

BRONCHOTOMIE.

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L’opération que je viens de décrire n’est donc pas sans dan¬ ger. M. Boyer a pensé qu’on rencontrerait moins de difficul¬ tés , et qu’on serait moins exposé à ouvrir de grosses veines en pratiquant l’incision du cartilage cricbïde et de la trachée.

Laryngo-Trachéotomie. Cest ainsi qu’on, homme le second procédé, qui serait désigné plus exactement sous le nom de Crico-trachéotomie. L’appareil et la situation du malade doi¬ vent être les mêmes que pour la trachéotomie verticale. Le chi¬ rurgien fait à peau une incision depuis partie inférieure du cartilage thyroïde jusqu’à un pouce environ au dessous du cartilage cricoïde. Il divise le tissu cellulaire qui ünit sur la ligne médiane les muSCles qui couvrent ce cartilage et la tra¬ chée-artère; il appuie son doigt indicateur gauche au dessous du second anneau de ce canal , fait glisser le bistouri le long de cedoigt, le plonge dàns la trachée, et coupé de bas eu haut les arceaux supérieurs et le cartilage cricoïde.

Cette opération à déjà été pratiquée plusieurs fois avec suc¬ cès , et dàiis l’un des cas elle a été exécutée par M. Boyer. Je pensé , avec ce célèbre chirurgien , t|u’ëllé exposé moins à la section des troncs des veines thyroïdiennes ihférieurès que la trachéotomie prolongée très bas ; mais elle ne met pas abso¬ lument à l’abri de cet accident, et elle a un inconvénient qui lui est propre. Il résulte de la possibilité couper transver¬ salement une portion assez considérable du corps thyroïde, lors¬ qu’il est volumineux, et que ses deux lobes sont à peu près confondus , au lieu d’être seulémenl réunis par une portion médiane de peu de largeur et d’épaisseur. Si l’artère crico-thy- roïdienne était coupée , elle ne poùrràit donner lieu à une hé¬ morrhagie bien inquiétante : dans tous lés cas, sa ligature se¬ rait facile à effectuer à droite et à gauche de l’incision prati¬ quée. M. Velpeau fait remarquer que .la laryngo-trachéotomie ne permet pas, comme la laryngotomie proprement dite, de voir la cavité du larynx, et dè.l’expiorer convehablëment ; que le lieu ^ d’élection est trop éloigné des bronches pour que les corps étrangers , peu mobiles, puissent se portér aisément à l’ouvertiire de la plaie ; enfin , que cette ouverture est trop rapprochée Ae la glotté pour ne pas rfendré dangereux l’emploi d’une canule à demeure. Suivant lui , cés inconvénièns doivent faire préférer la trachéotomie quand la laryngotomie n’est pas

60 BROSCHOTOMIE.

directement indiquée. {Nom. Élém. de méd. opér. , t. ii, p. 208 .)

Cette opération , que Desault a proposée , consiste dans la section verticale du cartilage thyroïde ; on la pratique de la manière suivante.

Laryngotomie. Le malade étant placé comme je l’ai Hit pré- cédemment , le chirurgien incise les tégumens depuis la partie supérieure du cartilage thyroïde jusqu’au niveau du bord su¬ périeur du cartilage cricoïde. Pendant qu’un aide assujettit le larynx, l’opérateur applique son indicateur sur la partie moyenne de -la membrane crico-thyroïdienne; il fait glisser le- bistouri le long de ce doigt, le plonge d’abord transversa¬ lement dans la membrane, et coupe ensuite de bas en haut, avec ce bistouri conduit sur une sonde , ou avec un bistouri boutonné épais , le cartilage thyroïde dans toute sa hauteur. Cette opération , à laquelle on peut avoir recours pour extraire des corps étrangers arrêtés dans le larynx ou tombés dans la trachée-artère, serait presque exclusivement indiquée, si le corps étranger s’était engagé dans un des ventricules laryngés. Elle est moins dangereuse et d’une exécution plus facile que les deux précédentes., à cause de la saillie et de la situation superficielle du cartilage thyroïde; mais en la pratiquant on peut cependant ouvrir des veines assez grosses pour être obligé d’en faire la ligature; j’en ai eu la preuve en la pratiquant sur une jeune fille de sept ans, qui mourut le lendemain de l’o¬ pération. Un haricot qu’elle avait avalé trois jours auparavant ne se présenta pas à l’ouverture du larynx; il fut trouvé, après la mort, engagé dans la bronche droite, qu’il obstruait pres¬ que complètement. On conçoit que la section des cartilages thyroïde et cricoïde n’est plus praticable lorsque les sujets sont assez âgés pour que ces cartilages soient ossifiés. L’ob¬ servation a appris qu’ après la guérison des plaies de ces carti¬ lages la voix se rétablit tout aussi bien qu’à la suite de la trachéotomie.

Laryngotomie sods-htoïdienne. Un procédé opératoire qui a été proposé récemment par M. Vidal ( de Cassis), pour ouvrir les abcès de la glotte, et par M. Malgaigue, pouvant , dans quel¬ ques cas, avoir une autre application, nous l’indiquerons ici, d’après M. Velpeau {toc. cit., t. ii, p. 218). On met aisément à découvert sur la ligne médiane la membrane thyro -hyoïdienne,

BROHCaOTOMIE. 61

par uae incision de deux pouces de longueur environ : alors on incise cette membrane en travers , au dessus et un peu en arrière du cartilage thyroïde. Plongeantensuite un bistouri dans ce point de haut en bas, et d’avant en arrière , on traverse la base de l’épiglotte , et l’on pénètre aussitôt dans le larynx , de ma¬ nière à frayer au doigt ou aux pinces une voie qu’on élargit à volonté , et qui permet de parcourir toute la glotte , sans léser aucunement les cordes vocales ou les cartilages. On ne peut craindre de blesser une artère ou un nerf important , car le rameau laryngé de la thyroïdienne supérieure et le nerf cor¬ respondant sont assez éloignés de la ligne médiane pour qu’on puisse faèilement les éviter , et l’on ne rencontre aucun plexus veineux dans cette partie des voies aériennes.

Dès que la trachée-artère ou le larynx sont incisés dans une étendue convenable , on voit ordinairement les corps étrangers qui y étaient contenus se présenter à l’ouverture , et même s’é¬ chapper avec violence. Quelquefois cependant il faut les saisir avec des pinces , ou les extraire avec un crochet mousse {foy. pour l’histoire des corps étrangers , l’article Trachée). Si le corps étranger ne peut être aperçu ou senti, il ne faut pas fa¬ tiguer le malade par des recherches multipliées et toujours douloureuses. On se borne alors à couvrir la plaie avec un morceau de gaze ; on a ^aussi conseillé , dans ce cas , de tenir ses bords écartés avec des lames de plomb arrondies et re¬ pliées, et de solliciter de temps en temps la toux par des fu¬ migations légèrement irritantes. Lorsque le corps étranger est sorti immédiatement après l’opération , que le sang ne coule pas par la trachée-artère, on peut sans inconvénient réunir la plaie par première intention, à l’aide de bandelettes aggluti- natives. Rien ne peut indiquer ici l’emploi de la suture, que quelques auteurs ont conseillé et même tenté : elle doit être rejetée.

On peut aussi ouvrir transversalement la trachée-artère avec une lancette large , ou avec -un bistouri que l’on conduit sur le doigt indicateur gauche. On introduit ensuite dans la plaie un stylet qui sert de conducteur à une canule courbe en argent , en plomb ou en gomme, élastique. On a même quelquefois em¬ ployé un tuyau de plume en place de canule ; mais c’est un tube ^rop étroit. M. Bretonneau a reconnu que l’ampleur du calibre

BRONCHOTOMIE.

de la canule est üne des conditions les plus importantes poul¬ ie succès de l’opération. L’ouverture supérieure de celle qu’il a employée a trois lignes de diamètre transversalement et cinq lignes verticalement; l’ouverture inférieure a trois lignes verti¬ calement, et une ligne et demie à deux lignes transversalement. La canule a deux pouces de longueur, et est légèrement courbe. Le contour de l’ouverture supérieure est renversé en debers , de manière à former un rebord peu saillant , auquel sont joints deux petits anneaux qui servent à passer les rubans qu’on tourne autour du cou , et à l’aide desquels la canule est fixée en place. La nécessité de nettoyer assez souvent l’in¬ térieur de la canule avait engagé M. Bretonneau à former la canule de deux tubes s’emboîtant l’un dans l’autre : on voit que c’est la répétition d’un moyen conseillé déjà par Martine. La canule employée par M. Bretonneau est en argent , et un peu aplatie latéralement, de manière à présenter une cavité ovale. (Bretonneau, des inflammations spéciales du tissu muqueux, et en particulier de la diphthérite. Voy. la pl. 1.)

Les accidens que l’on a le plus à craindre dans cette opéra¬ tion sont, comme il a été dit plus haut, l’hémorrhagie et la chute du sang dans la trachée-artère. Ces accidens doivent être moins à craindre quand on se sert du trois-quarts de Bau- chot, que quand on incise la trachée-artère àvec le bistouri , parce que l’opération, suivant le premier procédé, est plus prompte, et que canule ferme la plaie en même temps qu’elle pénètre dans la trachée.

Lorsque l’air sort très librement par la plaie, et que la pré¬ sence de la canule irrite la membrane interne des voies aérien¬ nes , il faut retirer cet instrument. Meissonnier , médecin de Lyon, assure que plusieurs fois il ne s’en est pas servi, et qu’il n’en est -résulté aucun inconvénient. Mais Louis fait remar¬ quer, dans son Mémoire sur la bronchotomie , que les observations rapportées par ce médecin méritent peu de confiance.

On doit à Vicq-d’Azyr l’idée d’une opération d’uné exécution plus facile , et surtout moins dangereuse , destinée à faire pé¬ nétrer l’air dans le larynx.

Cette opération consiste à inciser en travers , dans l’étendue ' de trois à quatre lignes , la membrane qiii unit les cartilages thyroïde et cricoïde, après avoir fait à la peau, au devant de

BRONCHOTOMIE. 63

cès cartilages et sur la ligne médiane une incision d’un pouce environ de longueur. Il faut seulement, dans cette opération, éviter de blesser une artériole qui se distribue à cette mem¬ brane , et dont On tâche de sentir les pulsations avec l’indica¬ teur de la main gauche, le long duquel on fait glisser le bis¬ touri pour le faire pénétrer sûrement dans le larynx. Le bis¬ touri retiré, on place une canule dans la plaie, et on couvre son ouverture d’un morceau de gaze.

Indications. On convient généralement que, quand un corps étranger solide a pénétré dans le larynx ou dans la tra¬ chée-artère , on ne peut pas raisonnablement espérer que son expulsion sera produite par les seuls efforts de toux et d’é- ternuernent, et qu’il faut se hâter de l’extraire pour sauver les jours du malade. Il s’en faut beaucoup qu’il y ait le même ac¬ cord entre les praticiens sur l’utilité de la bronchotomie dans les autres cas , et sur le moment il faut y avoir recours lorsqu’elle paraît indiquée. Dans un sujet aussi difficile et aussi important, je dois m’ étayer des autorités les plus recomman¬ dables. Suivant Arétée , la bronchotomie pratiquée pour préve¬ nir la suffocation augmente l’inflammation, le spasme , la toux ; il ajoute que les parties cartilagineuses divisées ne se réu¬ nissent jamais. Rhazès avait vu la bronehotomie réussir, et ce¬ pendant il pense , aussi bien qu’Avieenne , que cette opération est tellement dangereuse , qu’on ne doit y avoir recours que quand la mort paraît inévitable. Sharp , parmi les modernes , prétend qu’elle est inutile ou nuisible dans les inflammations de la trachée-artère.

Les auteurs qui ont recommandé la bronchotomie dans les Càs d’angine tonsillaire, laryngée, trachéale, et les praticiens qui ont obtenu les résultats les plus heureux de son emploi, sont en bien plus grand nombre. Nous nous contenterons de citer parmi eux Dionis , Verduc, Heister, Platnèr, Purmann, J. Hun¬ ier, Ricbier, R. Rell, Louis, Sabatier, Les Mémoires de tAca- cadémie ck chirurgie contiennent beaucoup de faits favorables à cette opération; mais pour qu’elle réussisse, il ne faut pas atten¬ dre que les poumons se soient engorgés, qu’il se soit formé une congestion dans le cerveau , que les malades soient expi- rans. Van-Swieten , Louis , Sabatier , Royer, recommandent , avec raison , d’y avoir recours dès que la suffocation survient,

64 BRONCHOTOMIE.

et qu’elle ne cède point à l’emploi très actif des saignées et des dérivatifs. Nous ;^ferons remarquer que dans le cas d’an¬ gine tonsillaire, cette opération peut, suivant quelques auteurs, être remplacée avantageusement par l’incision bu l’excision des amygdales. En avançant cette proposition , ils n’ont point eu égard à l’impossibilité de faire entr’ouvrir la bouche, ce qui est souvent un des effets de la maladie.

L’angine œdémateuse ou l’œdème de la glotte présente des indications aussi urgentes. Bayle et Boyer recommandent la bronchotomie dans cette affection lorsqu’il est survenu un ou deux accès de dyspnée chez un sujet dont la voix est rau¬ que et éteinte , l’inspiration difficile , avec gêne continuelle et notable de la respiration. On a eu recours à ce moyen sur un jeune médecin atteint de cette espèce d'angine ; mais l’opéra¬ tion, pratiquée tardivement, n’eut pas de succès.

Le croup est une des espèces d’angines dans lesquelles il est le plus difficile de déterminer quand il convient prati¬ quer la bronchotomie , à cause des variétés qu’il présente dans l’acuité de sa marche et dans l’étendue des parties qu’il af¬ fecte. On peut avoir quelque espérance de réussir lorsque la douleur paraît bornée au larynx, quand les accès de suffoca¬ tion laissent des intervalles assez longs de calme , quand ces accès reviennent brusquement avec des efforts de toux dans lesquels les malades rejettent quelques lambeaux de fausse membrane. Michaelis, Home, Rosen, Brookes, Franck, Boyer, conseillent cette opération. Suivant Michaelis, il faut la prati¬ quer au commencement de la seconde période de la maladie. Autenrieth pense qu’elle ne peut être d’aucune utilité. Bre¬ tonneau l’a employée avec succès : nous recommandons la lec¬ ture de ses observations sur cet objet. ( Voy. Croup.)

B. Bell range l’affection spasmodique violente des muscles du larynx au nombre des causes qui peuvent rendre néces¬ saire la bronchotomie : nous ne pouvons partager son opinion. Si cette affection résistait aux fumigations narcotiques et aux autres moyens convenables, il suffirait probablement d’intro¬ duire momentanément une canule de gomme élastique par la partie supérieure du larynx.

La tuméfaction énorme de la langue peut encore fournir , suivant le même auteur, l’indication urgente de pratiquer la

BRONCHOTOMIE. ^ t>5

bronchotomie : il ne faudrait cependant-y avoir recours, dans ce cas, qu’après avoir ouvert largement et sans succès une des veines jugulaires, ou pratiqué sur la langue deux longues et profondes scarifications,

Sharp, qui a blâmé en général la bronchotomie, la conseille pour un cas dans lequel on n’a peut-être jamais eu occasion de la pratiquer : c’est le gonflement aigu de la glande thyroïde. Si cette maladie, très, rare résistait aux saignées générales et locales copieuses, il suffirait peut-être encore d’introduire une sonde dans la trachée-artère.

Habicot, donnant des soins à un jeune homme qui avait reçu un grand nombre de blessures dans le cou, fut obligé de lui ouvrir la trachée-artère pour faire cesser la suffocation pro¬ duite par le gonflement du' cou et l’infiltration du sang autour de ce canal.

Detharding a proposé la bronchotomie pour rappeler les noyés à la vie, parce que, suivant lui, l’épiglotte fermé complètement chez eux l’ouverture du larynx. B. Bell adopte la même opi¬ nion, quoiqu’elle soit sans fondement. Poutequ a également conseillé la même opération pour aspirer l’eau qui a pénétré dans la trachée-artère , et insuffler ensuite de l’air chaud dans les poumons ; la bronchotomie est au moins inutile dans ce cas (voy. Submersion).

La présence d’un corps étranger qui serait arrêté sur l’épi- -glotte, et qu’on ne pourrait promptement extraire, fournirait l’indication urgente d’ineiser la mçmbrane crico-thyroïdienne, et il faudrait ouvrir transversalement la trachée-artère s’il se présentait u,n cas semblable à celui dont Habicot rapporte l’ob¬ servation. Un jeune homme ayant avalé neuf pistoles envelop¬ pées dans un linge fut tout à coup suffoqué par ce corps étran¬ ger, qui s’arrêta à la partie inférieure du pharynx. Il était sur le point d’expirer. Habicot , n’ayant pu ni enfoncer ni retirer ce tampon, pratiqua la bronchotomie, et ensuite il poussa dans l’œsophàge avec une sonde de plomb. Ce jeune homme fut promptement guéri.

Les cartilages du larynx ossifiés, et particulièrement le car¬ tilage -thyroïde , sont exposés à être fracturés. A la suite d’une fracture de cefte espèce , si les fragmens étaient enfoncés et empêchaient le passage de l’air, il faudrait probablenient, pour

Dict. de Méd. Vl. 5'

BRONCHOTOMIE.

ee

les replacer, inciser le larynx, ou au moins les parties molles qui le recouvrent.

Desault et le professeur Pelletan ont, trouvé sur le cada¬ vre des polypes pédicules dans le larynx. L’indication de pra¬ tiquer la laryngotomie ou la trachéotomie serait évidente , si l’on pouvait, pendant la vie, ce qui n’a pas encore eu lieu jus¬ qu’à présent, acquérir la certitude de l’existence de ces tu¬ meurs dans le larynx Ou la trachée.

On a p.roposé la laryngotomie dans le cas de carie des carti¬ lages du larynx et d’ulcères de sa membrane interne. Cette opération n’aurait probablement d’autres résultats que d’ac¬ célérer la mort des malades , ou d’augmenter leurs souffrances sans leur procurer aucune chance de guérison. -

B. Bell prétend que la bronchotomie est avantageuse lors- que des tumeurs squirrheuses ou charnues inextirpables com¬ priment la trachée-artère; mais il faut observer que ces tumeurs compriment aussi les vaisseaux du cou, et qu’elles occasionent la mort autant en produisant des congestions céré¬ brales qu’en gênant la respiration. J’ai rencontré deux cas de cette espèce , et dans l’un des deux le cou était tellement gon¬ flé , qu’il eût été presque impossible d’ouvrir le larynx ou la trachée-artère. Le même auteur recommande , avec plus de raison, la bronchotomie quand bn rencontre des polypes durs et très volumineux implantés à la partie supérieure du pha¬ rynx , et qui descendent jusque sur l’épiglotte. Il doit être difficile et dangereux de les opérer , si l’on ne commence par fendre la membrane crieo- thyroïdienne, pour entretenir la liberté de la respiration pendant qu’on lie la tumeur, et jusqu’à la chute de la ligature.

Lorsque l’on a pratiqué l’opération de la bronchotomie, les malades, doivent être placés dans un lieu l’air soit modé¬ rément chaud et humide; ils doivent éviter de faire aucun effort pour parler : on éloignera d’eux toutes les causes qui pourraient provoquer la toux , l’éternuement ; ils seront mis à l’usage des boissons adoucissantes , et astreints à une diète rigoureuse, jusqu’à ce que'les accidens qui ont nécessité l’o¬ pération soient dissipés , et que la plaie n’offre plus par elle- même aupun danger. Marjolin.

BRONCHOTOnUE (HISTOIRE ET BIBLIOGB. )•.

Hist. et Bibiiog. Je suis fâché d’a^;oir à commencer cette notice par des reproches à l’un des historiens de la médecine qui ont acquis le plus de droits à notre estime et à notre reconnaissance . Dans le chapitre qu’U a consacré à l’histoire de la bronchotomie, K. Sprengel s’est servi du mémoire de Louis sur la même matière beaucoup plus qu’il n’est permis de faire du travail d’un auteur qu’on ne cite pas une seule fois; et il l’a suivi de si près qu’il a besoin de toute l’indulgence du lecteur pour ne pas encourir le reproche de plagiat. On est obligé de dire que ce n’est pas la seule fois que pareille chose est arrivée à Sprengel , dans cette histoire des opérations chirurgicales, dont le mérite est bien loin d’égaler celui des 'bonnes parties de son histoire de la médecine.

«Asclépiade, dit Sprengel {Hist., t. vu , p. 138), fut le premier qui pratiqua la bronchotomie avec succès , du temps de Cicéron , et qui sauva de cette manière un grand nombre de personnes en danger de périr suffoquées. » Ce savant historien ne montre pas ici le caractère d’exactitude qui lui est assez ordinaire. Ni Cœlius Aureliànus, ni Galien, qui sont les auteurs qui attribuent à Asclépiade d’avoir le premier vanté la laryngotomie dans l’angine suffocante, ni Arétée, qui paraît l’indiquer sans le nommer, ne parlent de ses nombreux succès, ni même ne disent qu’il l’ait pratiquée. Cœlius et Arétée ne mentionnent la pro- position d’ Asclépiade que pour la condamner, et Galien ne se pro¬ nonce en aucun sens , favorable ou défavorable.

Dehinc , dit Cœlius Aureliànus {Acutor. moA., lib. iii , cap. iv. § 35 j p. 193, ad. Almelov.), a veteribus probatam approbat (Asclepiades ) arteriæ .divisuram , ob respirationem faciendam , quam laryngoto- miam vocant.

M. Hecker {Geschichte der Heilkunde , t. i, p. 391) prend' à la lettre ces mots à veteribus probatam, et affirme sans restriction que la tra¬ chéotomie avait été déjà découverte par les anciens. 11 y a pourtant ici quelque sujet de doute ; car ce même Cœlius Aureliànus, qui seul parle de l’antiquité de la bronchotomie , nous donne un peu plus loin cette antiquité comme supposée. « Est etiam fabulosa arteriæ ob respira¬ tionem divisura , quam laryngotomiam vocant, et quæ a nullo sit an¬ tiquorum tradita, sed caduca atque temeraria Asclepiadis inventione affirmata» {Op.cti., p. 19i5). '

Cœliuç Aureliànus juge cette opération avec bien de la sévérité. Ce serait un crime de la pratiquer , selon lui , et un crime si grave qu’il dit : cNe tantum scelus angustâ oratione damnemus , libris quos de adjutoriis sumus scripturi , respondebimus {ibidi).

Ni Arétée, ni Cœlius Aureliànus, ni Galien ne nous apprennent et comment on ouvrait le conduit aérien : c’est donc sans aucun fonde¬ ment qu’on a attribué à Asclépiade telle ou telle méthode particulière de bronchotomie. Le premier chirurgien dont on connaisse la méthode d’opérer est Antyllus; c’est Paul d’Égine qui nous l’a conservée

BRONCHOTOMIE (HISTOIRE CT BIBLIOGR. ).

{Pauli Æginetœ , lib. vi, cap. 33). La manière dont il précise l’indica¬ tion de l’opération mérite d’être remarquée. « Dans les angines in¬ ternes, les bronches et lès poumons sont affectés , la bron¬ chotomie serait sans résultat ; mais la raison prescrit d’y recourir quand la suffocation devient imminente par l’effet d’une inflamma¬ tion siégeant dans l’arrière-gorge, au dessus du larynx, et qui n’a point envahi la trachée elle-même. L’ouverture doit être faite au des¬ sous du 3' ou du anneau cartilagineux de la trachée, et ne com¬ prendre qu’une partie de la circonférence de ce conduit. Ce lieu est le plus convenable parce que peu de chairs le. recouvrent , et que les vaiss.eaux en sont éloignés. Âinsi , la tète du malade étant renversée en arrière , pour rendre la partie plus saillante , on fait une section transversale entre deux cerceaux , de manière à diviser , non les cartilages, mais la membrane qui les unit . On connaît qu’on a pé¬

nétré dans la trachée à la brusque sortie de l’air p ar l’ouverture et à l’extinction de la voix. »

Rhazès, Mesue , Avicenne , parlent de la bronchotomie comme der¬ nière ressource à employer dans l’esquinancie qui inenace de suffo¬ cation , mais ne disent rien de plus sur la manière d’opérer.

Âlbucasis nous apprend que de son temps, et dans son pays, nul n’aurait pratiqué la laryngotomie. « Memoraverunt antiqui de hàc in- cisione in laryngâ, et ego nonnovi aliquem in regione nostrâ qui eam iecerit» {de Ckirurgid, lib. ii, sect. 43). Au surplus, il copie Paul d’Ê- gine; et, après avoir rapporté un cas de plaie- à la gorge heureuse¬ ment guérie, il termine ainsi :<tHinc dicamus, quod sectio laryngis est sine periculo, ,si Deus voluerit.

Avenzoar expérimenta l’opération sur une chèvre , et conclut du succès que ces plaies ne sont point mortelles.

Au moyen âge on n’avait point oublié la bronchotomie , mais ce n’était qu’une sorte de souvenir historique; Guy de Chauliac, qui représente si bien cette époque , ne fait que rappeler ce qu’avaient dit Avicenne , Albucasis et Avenzoar, de la possibilité de l’opération.

Il est probable qu’elle n’avait plus été pratiquée depuis le temps de la chirurgie des Grecs., et il faut descendre jusqu’au milieu du XVI* siècle pour en retrouver un nouvel exemple ; je dis^u xvi®, car Sprengel se trompe lorsqu’il prétend que « le premier qui aitpratiqué l’opération depuis Antyllus , c’est-à-dire après un intervalle de près de quatorze siècles est Benivieni » la fin du xv* siècle). Il se trompe, car Benivieni ne fit que des incisions profondes au dessous de la mâchoire et au cou , mais non la bronchotomie ; et la cause de cette erreur, Sprengel n’est pas tombé seul , c’est que Casserio , en par¬ lant de la laryngotomie , cite cette observation de Benivieni, intitulée Angina incisa, comme un cas dans lequel l’opération d’Asclépiade au rait mieux convenu que celle qui fut faite, et qui suffit pourtant pour

EROKCHOTOMIE (HISTOIRE ET BIBLIOGR.). 69

guérir le malade. En enlevant àBenivieni un honneur qui ne lui ap¬ partient pas , nous ne l’enlevons point à l’Italie , car ce fut Ant. Musa Brassavola qui le premier , chez les modernes , pratiqua l’opération qui nous occupe , et la pratiqua avec succès dans un cas désespéré d’angine.

Environ un demi-siècle plus tard , Santorio , au rapport de Malavi- cini( ütil. Collect. med.ph.ys. , Venise, 1682 , in-4°), pratiqua le pre¬ mier l’opération avec un trocart, et laissa trois jours, la canule à demeure dans la plaie.

Sans avoir d’expérience personnelle sur la matière , Fabrizio d’A- quapendente traita judicieusement l’article de la bronchotomie dans ses Opérations chirurgicales {OEuvres chirurg. opérai., chap. xtiv, p. 623- 632. , éd. de Lyon , 1674 , in-8°). Il est le premier qui parle d’une ca¬ nule ailée à placer dans l’ouverture , exposé qu’on serait à voir une canule simple tomber dans la trachée. Son disciple, Jules Casserio , parla avec encore plus de détails de la trachéotomie ( de Vocis et au¬ ditas organo , Ferrare, 1600, in-fol.). Il rassembla avec soin les exem¬ ples de plaies de la trachée heureusement guéries qui étaientconnues jusqu’alors, et y puisa des argumens en faveur de l’opération, qu’il décrivit d’ailleurs avec beaucoup de soin et de précision. Nicolas Habicot fit mieux : il la pratiqua, et dans un cas, en particulier, la présence d’un corps étranger volumineux, arrêté dans l’œsophage, comprimait fortement la trachée , et menaçait le patient d’une pro¬ chaine suffocation ( Question chirurgicale, par laquelle il est démontré que le chirurgien doit pratiquer ï opération delà bronchotomie, etc., Vavis, 1620, in-8"). L’ouvrage d’Habicot , moins estimé en France qu’il n’au¬ rait l’être , parut à un médecin allemand, Frédéric Monavius, digne d’être copié; il le mit en latin et le publia sous son nom. Il faut citer néanmoins l’extension que donna le plagiaire aux indications de la bronchotomie , et son emploi formellement conseillé pour l’extrac¬ tion des corps étrangers tombés dans la trachée ; ce qui fait remonter au moins d’un demi-siècle une idée que M. Robert a attribuée à Rau {Gazette médicale, 1832), qui n’a pas même l’honneur d’avoir le pre¬ mier pratiqué l’opération pour ce cas, comme le prouve la Pathol, chirurg. de Verduc.

René Moreau fit, avec réserve, l’apologie de la laryngotomie; Marc- Aurèle Severino s’en montra aussi chaud partisan qu’il l’était de toutes les opérations hardies ( de efficaci Medicinâ. Chirurg. ejficacis , pars ii , cap; 40, p. 93, ed. Francfort, 1671 , in-fol.). Néanmoins il ne l’a point pratiquée lui- même, quoiqu’en disent Haller et d’autres. 11 n’est pas vrai non plus qu’on trouve chez lui, comme l’a cru M. Robert {Gazette médicale, 1832) , l’idée de la laryngotonjie crico-thyroïdienne.

L’emploi d’un instrument dont Santorio avait déjà fourni l’idée , et une manière d’opérer qu’il ne serait pas permis d’imiter , donnent-

70 BROKCHOTOMIE ( H/STOIKE ET BIBLIOGE.).

ils à Dekkers quelque droit à être cité , comme il l’a toujours été , dans l’histoire des progrès de la chirurgie, relativement à la broncho¬ tomie ? 11 faudrait suivant lui , avee le trocart qu’il propose , percer du même coup la peau et la trachée ( Dekkers , Exercitat. pract. , p. 242, fig.)- C’est à côté de son invention que doivent être placées celles du bronchotome de Bauchot , de la double canule de Martine , des instrumens de Richter , de Fieker, etc.

Ce n’est pas ici le lieu de parler de l’application que Detharding proposa de la bronchotomie au traitement des noyés, applicçition fondée sur une erreur , ni des discussions qui s’ensuivirent.

De^ faits isolés, publiés successivement, auraient plus de droits à être cités , mais nous entraîneraient trop loin. Nous passons à Louis, dont le premier Mémoire sur la bronchotomie ( Acad. roy. de chir., t. IV, p. 455-512 , éd. in-4°) , savant pour les recherches , mais peut- être trop peu sévère sous le rapport du dogme, a été, depuis, copié ou reproduit sous toutes les formes. Louis fut le chirurgien qui contri¬ bua le plus à appeler l’attention sur ce sujet. Aussi depuis lors parut-il une foule de travaux qui s’y rapportent i et vit-on se succéder rapide¬ ment les méthodes et les procédés opératoires. On doit citer entre tous la laryngotomie crico-thyroïdienne de Vicq-d’Azyr {Soc. roy. de méd., 1776, hist., p. 311), la laryngotomie de Desault {Œuvres chir., t. Il), la laryngo-trachéotomie de M. Boyer, et la laryngotomie sous- hyoïdienne de M.Malgaigne. Je ne pousserai pas plus loin cette histoire, qui courrait risque d’empiéter sur la matière de l’article qui la pré¬ cède. On trouvera dans la blibliographie qui va suivre l’indication de quelques particularités qui distinguent lés vues ou les méthodes de divers auteurs, et qui marquent d’une manière quelconque dans l’his¬ toire de cette partie de l’art.

Hàbicot (Nicolas). Question chirurgicale par laquelle il est démontré que le chirurgien doit assurément pratiquer l’opération de la bronchotomie , ■aulgairement dicte laryngotomie ou perforation de flûte ou tuyau du poul- TMore. 'Paris , 1620 , in-8”.

MiitiARD (J.). Dequœstione utrumin anguinâ tentanda sit laryngotomia. Bâle, 1 623, in-4o.

Mokead (René). Epistola de laryngotomia. A la suite de l’ouvrage de T. Bartholin, de anginâ puerorum Campaniæ , etc. Paris, 1646; Naples, 1653, in-8°.

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Detharding (Georges). Schedion epistolicum de methodo subveniendi . submersis per laryngotomiam. Rostock ,1714, in-4°. Reçus, in Haller , Disp, chimr., t. ii.

BRONCHOTOMIE (HISTOIRE ET BIBLIOGH.)-

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Loois. Mémoire sur la bronchotomie. Acad. roy. de chir. t. iv, p. 429, éd. in-8“. 2' Mémoire, ibid., p. 467. C’est dans le premier de ces Mémoires que se trouvent la méthode et l’instrument de Bauchot.

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72

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Voyez les articles OEdÈme de la' glotte , Crodp , etc. Dez.

BROWNISME.' Tel-est le nom sous lequel est connu le célèbre système physiologico-pathologique de Brown, qui a exercé dans le commencement de ce siècle une si grande in¬ fluence sur les théories médicales et sur la pratique l’art. Assurément à ce, titre le brownisme mérite d’occuper une place distinguée dans l’histoire de la science. Mais, dans cet ouvrage, plus particulièrement consacré à l’exposition des faits qu’à celle des doctrines, nous ne traiterons du brownisme que sous le rapport général de la philosophie médicale , et à propos du fait primordial organique de V incitation sur lequel il est basé. C’est aux ouvrages qui font de l’histoire leur objet spécial à faire connaître l’origine et les destinées particulières du brow¬ nisme. Nous renverrons donc aux mots Incitation, Incitabilité, les co.nsidérations que nous devrons présenter sur cette doc¬ trine médicale. R. D.

BRÜCINE. Base salifiable organique', découverte par -Pel¬ letier et Caventou dans l’écorce connue sous le nom A’angus- ture fausse.

La bfucine est blanche, cristallisée régulièrement en prismes obliques à base parallélogramique ; elle a un aspect nacré

BRIICINE.

sa saveur est très amère, légèrement àcre et styptique ; elle se dissout dans ' 500 parties d’eau bouillante et dans 850 d’eau froide ; elle est très soluble dans l’alcool. C’est en la dissolvant dans ce liquide qu’on obtient des cristaux. Soumise à l’action du feu , elle se fond à une température peu supérieure à celle de l’eau bouillante. Elle se décompose à une plus haute tem¬ pérature , et do^nne les produits des matières végétales non azotées. La brucine forme avec les acides des sels neutres dif- férens de ceux que produit la strychnine. Aussi le sulfate cris¬ tallise en aiguilles très déliées, qui paraissent être des prismes à quatr.è pans. Il ressemble au sulfate de morphine par son as¬ pect ; mais sa saveur est infiniment plus amère. 11 est composé de brucine , 100; acide sulfurique , 9,697. Il peut s’unir avec un excès ’d’acide. L’hydrochlorate de brucine cristallise en prisme à quatre pans , terminés par une face peu inclinée. II est formé de brucine , 100; acide hydrochlorique , 6,3310. Le nitrate de brucine ne cristallise pas, caractère qui distingue es¬ sentiellement la brucine de la strychnine , dont le nitrate neutre cristallise d’une manière admirable. Un excès d’acide nitrique détermine dans le nitrate de brucine une belle couleur rouge nacarat ; les corps désoxÿgénans détruisent la couleur: ce phé¬ nomène a lieu avec la morphine et la strychnine, ün plus grand excès d’acide nitrique , ou la chaleur , font passer ces trois ni¬ trates au jaune. Si alors on y verse du proto-hydroehlorate d’étain, pn a, avec la morphine et la strychnine , un précipité d’un brun sale, tandis qu’avec la brucine on obtient une cou¬ leur violette très belle et très intense. Nous avons cru devoir insister sur ce caractère , qui peut servir à distinguer la bru¬ cine de la morphine et de-la strychnine, même à l’état salin.

La brucine a une action très vive sur l’économie animale : elle agit à la manière delà fausse angusture , mais avec infi¬ niment plus d’énergie ; son action est cependant moins active que celle de la strychnine, dans le rapport de 1 a 10: quatre grains de brucine ont été nécessaires pour tuer un lapin , qui n’aurait pas résisté à un demi-grain de strychnine. Un chien assez fort , ayant pris trois grains de brucine , a éprouvé de . violentes attàques de tétanos, mais y a résisté {Journ. de pharm., t. v). M. Andral prétend que ce rapport est de 1 à 24 {Journ. de physiol. expér. , t. iii). La brucine, ou plutôt l’extrait alcoo¬ lique de l’écorce de fausse angusture , pourrait peut-être rem-

BRtltïIRE.

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placer dans la thérapeutique l’extrait de noix vomique ; il au¬ rait sans doute un mode d’action analogue , sans présenter l’inconvénijent d’une aussi grande activité. M. Andral (loc.cû.) rapporte quelques expériences cliniques faites avec cette sub¬ stance , qui prouvent qu’elle est beaucoup plus facile à ma¬ nier que la strychnine: comme celle-ci elle a été employée avec des succès divers dans les cas de paralysie ; elle paraît avoir eu plus d’avantages dans' la paralysie causée par les émanations saturnines.

Pour obtenir la brucine, on prépare ün extrait alcoolique de fausse angusture ; on la dissout dans une masse d’eau très froide , et l’on filtre pour séparer la matière grasse. On préci¬ pite la matière colorante par l’acétate de plomb , l’excès de plomb par l’hydrogène sulfuré , et enfin la brucine par une base alcaline. Ici la magnésie peut être employée avec succès. Le précipité magnésien , lavé légèrement et desséché , est traité par l’alcool , qui dissout la brucine : on l’obtient par évapora¬ tion. Comme la brucine est un peu soluble , il ne faut pas trop laver le précipité magnésien. La brucine obtenue est colorée, il est vrai.; mais on peut l’obtenir blanche en la convertissant en oxalate , qu’on lave avec de l’éther étendu d’alcool à partie égale. L’oxalate , débarrassé de la matière colorante , est dé- coniposé par un peu de magnésie , et l’on obtient la brucine très pure et incolore. Pelletier.

BRULURE. Lésion produite sur une partie vivante par l’action du calorique concentré. Quelques auteurs ont rangé parmi les brûlures les lésions occasionées par certains agens chimiques caustiques , tels que les acides minéraux, les alcalis, quelques sels et- oxydes métalliques. Nous ne traiterons pas dans cet article de la manière d’agir spéciale de ces différentes substances ( Voyez Caustiques et Cautérisation) ; nous nous bor¬ nerons à faire remarquer que quand elles sont appliquées à une haute température, et sous forme de liquide, elles donnent presque toujours lie-u à des altérations de tissu très étendues, très profondes , portées jusqu’à la désorganisation , et par con¬ séquent très dangereuses. Ces lésions rentrent d’ailleurs dans la classe de celles qui sont la suite des brûlures ordinaires, dès que l'on a neutralisé l’agent cbimique qui les a produites , si l’on est appelé avant qu’il soit entièrement décomposé.

BRDl

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Les combustions spontanées, admises par quelques au¬ teurs , révoquées eu doute par d’autres , nous paraissent du ressort de l’anatomie et de la physiologie pathologiques ; c’est pourquoi nous croyons devoir séparer leur histoire de celle de la brûlure. ( Voyez Combustion humaine spontanée. )

La brûlure est quelquefois occasionée parles rayons solaires. La partie supérieure de la tête , le visage , le cou ou les mains en sont alors ordinairement le siège. Cette espèce de brûlure peut être très légère ; mais , dans quelques cas , quoique les parties extérieures ne soient pas couvertes de phlyctènes, l’ir¬ ritation se propage profondément, et donne lieu à des mala¬ dies très graves , telles que l’érysipèle phlegmoneux, la mé¬ ningite , etc.

Le calorique rayonnant, dégagé d’un corps en ignition , peut produire la brûlure à une distance assez considérable ; il pour¬ rait même donner lieu à la désorganisation complète de la partie soumise à son action , si cette dernière était prolongée pendant un temps Hssez long. On peut s’habituer successivement à sup¬ porter l’impression d’une chaleur très vive ; mais les parties qui y sont exposées finissent cependant par éprouver des alté¬ rations assez grandes dans leur couleur, dans leur texture et leur sensibilité ; elles deviennent brunâtres, marbrées ; leur épi¬ derme se gerce ; quelquefois même elles se. couvrent de croû¬ tes ou s’ulcèrent ; c’est ce que l’on observe fréquemment sur les jambes des forgerons et sur celles des vieillards qui se tien¬ nent habituellement très près du feu , etc. Les ulcères , quand il en survient sur ces parties , sont ordinairement difficiles à guérir.

Les corps solides brûlent en général avec d’autant plus d’in¬ tensité, qu’ils sont, élevés à un plus haut degré de température, qu’ils sont plus denses , meilleurs conducteurs du calorique, et que leur application immédiate ou médiate est prolongée pen¬ dant un temps plus ou moins long. Cette dernière circonstance influe beaucoup sur l’étendue en surface et, en profondeur à la¬ quelle peut ^e propager l’action de la chaleur.

Quelques substances dont la combustion est rapide , et qui entrent én fusion èn brûlant , comme le phosphore , le soufre , les résines, qccasionent dans un temps fort court des brûlures ^très larges et très' profondes.

Parmi les brûlures les plus dangereuses par leur étendue

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BKIILÜRE.

et par leur profondeur, que l’on a souvent occasion d’obser¬ ver, il faut compter celles qui sont l’effet de la conflagration des vêtemens. On pourrait citer un grand nombre de cas elles ont déterminé en peu de jours des accidens mortels.

Tous les liquides ne brûlent pas avec la même violence. Ceux qui sont susceptibles de s’élever à un très haut de¬ gré de température en bouillant , et qui ont le plus de ten¬ dance à adhérer à la peau sont les plus dangereux : tels sont le bouillon, l'es huiles , le suif et le sucre fondu. On peut en dire autant de la lessive ordinaire et des solutions salines concentrées que l’on prépare dans les laboratoires de chimie, dans les ateliers l’on fabrique le salpêtre , le savon , etc. Parmi ces solutions salines , il peut s’en trouver qui soient très irritantes ou caustiques par elles-mêmes :• celles-là produisent les lésions les plus graves.

Les brûlures occasionées par l’alcool >, par l’éther ou par les gaz enflammés, par l’explosion de la poudre à canon, sont sou- vent.très larges , mais elles sont ordinairemènt superficielles , ce qui diminue le danger qui peut en résulter.

Il est important de faire remarquer que les parties qui sont recouvertes par un épiderme très épais peuvent être protégées par cette membrane contre l’action instantanée des corps brû- lans , et que les régions du corps sur lesquelles les liquides bouillans ont été retenus en contact par les vêtemens épais sont toujours plus profondément brûlées que les parties sur lesquelles ces liquides n’ont fait que glisser.

Heister et Callisen décrivent quatre degrés de brûlure ; M. Boyer n’en compte que trois; M. Dupuytren en admet six. Ces six degrés sont : 1“ l’inflammation superficielle de la peau sans pblyctènes ; l’inflammation de cette membrane avec développement de pblyctènes; 3“ la destruction d’une partie du corps papillaire la peau ; l’escarification de toute l’épaisseur du derme; 5“ la combustion de tous les tissus j usqù’aux os ; enfin, la carbonisation de toute l'épaisseur d’un membre. Cette analyse des degrés la brûlure , quoique plus exacte que celles que l’on trouve dans les auteurs , ne comprend pas, et ne peut pas comprendre toutes les espèces de lésions qui peuvent être occasionées dans les corps vivans par le calorique concentré. Nous n’essaierons pas d’en proposer une autre; nous nous bornerons à faire remarquer que tous

BftriîIRÈ. 11

les effets de la bràlure considérée en général , pourraient être rapportés à deux ordres : inflammation , désorganisation im¬ médiate.

L’inflammation peut se présenter avec les caractères de l’é¬ rythème , de l’érysipèle phlycténoïde , de l’érysipèle pheg- moneux. ^lle peut se propager par continuité de tissu aux membranes extérieures et intérieures des articulations, aux membranes séreuses, aux organes sensoriaux, aux viscères ; elle peut être assez violente pour produire en peu de temps un trouble si grand dans les fonctions, que la mort doit en être nécessairement le résultat. D’autres fois cette inflammation , plus limitée , ne donne pas lieu à des accidens sympathiques si graves , mais elle acquiert successivement assez de violence pour se terminer par la grangrène d’une partie de la surface du tronc ou d’un membre, ou même-par un spbacèle profond. Quant à la désorganisation immédiate, elle ne peut offrir que des variétés d’étendue, soit en superficie, soit en profondeur; mais on conçoit qu’il est impossible de tracer un tableau de toutes ces variétés: elle est d’ailleurs toujours accompagnée d’une inflammation qui s’étend plus ou moins loin, et avec plus ou moins de violence , autour de la partie désorganisée. Une remarque qu’il est encore important de faire , c’est qu’im- médiatement après l’accident , il arrive fréquemment que l’on ne peut apprécier toute sa gravité, et qu’il est seulement pos¬ sible de reconnaître les altérations que la peau a éprouvées: les lésions sous-jacentes ne peuvent être que soupçonnées ; elles ne sont bien connues qu’ après que l’inflammation a acquis toute son intensité , et lorsque les escarres commencent â se détacher; d’autrès fois on peut en pressentir l’existence par la position que prennent les membres , ou par la privation de cer¬ tains mouvemens. Il faut aussi noter que, lorsqu’il n’y a pas désorganisation immédiate , on parvient quelquefois à préve¬ nir en partie les effets 'de la brûlure , et qu’on la fait en quel¬ que sorte passer d’un degré plus intense à un degré plus fqible par un traitement convenable.

Lorsque la brûlure est très légère et peu étendue, l’érythème qui en est la suite est caractérisé par une rougeur vive , non circonscrite , qui disparaît sous la pression , par une douleur cuisante et un léger gonflement. . Ces symptômes peuvent ne durer que quelques heures , ou ils se prolongent pendant plu-

BRlItCRE.

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sieurs jours, et alors répiderme tombe quelquefois sous la forme de petites écailles. On a vu de ces brûlures superficielles, mais étendues , occasioner une fièvre inflammatoire violente, accompagnée d’agitation, d’insomnie, de délire , et même donner lieu à la mort. Mais aussi on a vu plusieurs fois des brûlures de cette espèce débarrasser des malades de douleurs névralgiques ou rhumatismales , dont ils étaient tourmentés depuis très long-temps.'

Une brûlure plus intense est suivie de développement de phlyctènes. Il en paraît presque immédiatement après l’acci¬ dent sur les parties très charnues ou d’une texture molle, sur¬ tout quand le calorique a été appliqué par l’intermédiaire d’un liquide ; mais il s’enferme successivement de nouvelles autour des premières , ou celles-ci deviennent plus volumi¬ neuses à, mesure que l’irritation attire les fluides vers la partie brûlée. Autour des pblyctènes on remarque un érythème plus ou moins étendu , du gonflement ; la douleur et la chaleur sont plus vives que dans le cas précédent. La sérosité contenue dans les phlyctènes est citrine ou légèrement trouble. Quand on lès a ouvertes, l’épiderme s’affaisse, se dessèche ettombe au bout de quelques jours'. A sa chute on obsérve quelquefois une es¬ pèce de fausse membrane qui le remplace et protège les pa¬ pilles ; d’autres fois l’excoriation suppure pendant quélque temps , et guérit cependant sans laisser de cicatrice.

ir n’en est pas de même quand la brûlure désorganise im¬ médiatement une partie de l’épaisseur du derme , ou quand l’excoriation qui succède à la chute de l’épiderme s’enflamme vivement, et devient ulcéreuse ; il reste alors des cicatrices plus ou moins étendues , et la suppuration se prolonge pendant un temps bien plus long. On doit redouter ces accidens locaux lorsque la sérosité qui s’écoule des phlyctènes est sanguino¬ lente , lactescente , brunâtre , lorsqu’on aperçoit sur la partie brûlée des taches grisâtres ou jaunâtres, insensibles ou pres¬ que insensibles au toucher.

L’insensibilité de la peau, sa dureté, son raccornissement, joints à sa couleur jaune ou grisâtre, annoncent la conversion en escarre de toute l’épaisseur du derme. Autour des escarres on observe ordinairement des phlyctènes , et a une plus grande distance encore du centre de la partie brûlée , on voit se pro¬ pager une inflammation érythémateuse , accompagnée de dou-

BRUIURE.

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leur vive , âcre, brûlante ; au bout de huit à neuf jours, rare¬ ment plus tôt , souvent plus tard , une inflammation élimina¬ toire se développe autour et au dessous des escarres : elles commencent à se séparer des parties vivantes ; la suppuration devient plus abondante ; elle entraîne quelquefois avec elle des lambeaux de tissu cellulaire gangrené, et répand une odeur fétide. Avant la chute des escarres , lorsque la brûlure a été très intense et très étendue, l’inflammation peut devenir ex¬ cessive , se propager au loin , et se terminer par gangrène. C’est à ce phénomène qu’il faut attribuer l’erreur des person¬ nes étrangères à la médecine , qui pensent que la brûlure fait des progrès pendant neuf jours. Le même préjugé aurait pu facilement s’établir relativement aux contusions violentes , et à la congélation , affections dans lesquelles il est souvent im¬ possible de porter un pronostic, certain avant la cessation des accidens primitifs.

Toutes les fois que la brûlure est très étendue, il se mani¬ feste une fièvre analogue à celles qui sont symptomatiques des inflammations externes : elle dépend de la transmission de l’ir¬ ritation violente et fort douloureuse de la peau à tous les or¬ ganes importans de la vie. Elle est remarquable par une soif vive,- une chaleur extrême, la dureté et la fréquence du pouls, la diminution des sécrétions. Le malade peut succomber en quelques jours, et, dans des cas plus fâcheux, au bout de quel¬ ques heures. A peine alors l’inflammation a-t-elle eu le temps de se développer; les viscères principaux sont trop fortement influencés par les douleurs atroces que perçoit le système ner¬ veux ; la réaction manque ; le^ pouls reste petit , concentré , fréquent ; les extrémités se refroidissent ; le délire et les con¬ vulsions se manifestent ; une sueur froide se répand sur le tronc et sur la face ; le visage se décompose. Ces différons symptômes , aussi bien qu’uii état de stupeur, annoncent une mort prochaine.

Les malades échappent-ils aux premiers dangers des gran¬ des brûlures , ils peuvent périr des suites de la gangrène con¬ sécutive, à la violence de l’inflammation, ou par l’effet des phlegmasies secondaires des membranes muqueuses puimo- naire et gastro-intestinale. Le siège de ces inflammations pro¬ fondes correspond assez souvent aux régions du corps qui sont elles-mêmes le siège delà brûlure. Ainsi, on a vu une pleurésie,

§0 brûlure.

une pneumonie , et quelquefois ces deux phiegmasies réunies ^ se développer consécutivement, et, dans quelques cas, assez promptement, après des brûlurés étendues des parois delà poi¬ trine. Une péritonite, une gastro-entérite intense,- des vomis- semens de sang , et des évacuations sanguinolentes , , souvent très abondantes, viennent compliquer les brûlures des parois du ventre et de la région lombaire. Il est rare que des compli¬ cations aussi graves ne hâtent pas la mort des malades. S’ils résistent à ces accidens , ils sont encore exposés plus ^tard à succomber à l’abondance de la suppuration : c’est ce qui ar¬ rive encore, quand l’inflammation profonde , causée, par une brûlure dans les parties voisines, détermine l’apparition d’un phlegmon diffus. La désorganisation suit de près les progrès de cette inflammation-; des foyers purulens se manifestent dans diverses directions ; les muscles , la peau , sont disséqués, décollés, et l’amputation du membre,,^ quand elle peut être faite , n’empêche pas souvent la terminaison funeste qu’on es¬ pérait prévenir par cette opération. Ce qui est fort remar¬ quable , c’est qu’on a vu plusieurs fois mourir subitement , au moment leurs plaies. étaient entièrement ou presque entiè¬ rement cicatrisées, des sujets qui avaient été affectés de grandes brûlures. Delpech assure qu’à l’ouverture de leur corps on n’a trouvé aucune lésion organique. La mort, dans ce cas , peut-elle être attribuée , comme le croit cet auteur, à la perturbation des fonctions de la peau? Il n’ose l’assurer; mais il lui paraît certain que l’usage des diap hérétiques énergiques a conservé un grand nombre de malades , qui , selon les appa¬ rences, couraient le même danger.

Les résultats de l’observation prouvent que le pronostic des brûlures doit être d'autant plus fâcheux qu’elles sont en même temps plus étendues et plus profondes ; que la brûlure est plus dangereuse chez les ènfans, les vieillards , les sujets très irri¬ tables , que chez les adultes vigoureux et d’une sensibilité mo¬ dérée.. Il est également constaté que les brûlures des parois de l’abdomen , du thorax , ainsi que celles de la face , sont plus graves que celles des membres. On a également remarqué que les grandes brûlures, affectant des sujets adonnés depuis long¬ temps à l’usage abusif du vin et des liqueurs spiritueuses , ont presque toujours des suites funestes. Les brûlurés les plus lé¬ gères qui intéressent les yeux peuvent être suivies de taies ,

BRÜltRE.

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de cécité, et même de la perte de ces organes. Les brûlures des mains et des pieds ont quelquefois donné lieu au tétanos. Enfin, il arrive souvent qu’après la guérison, les brûlures, sur¬ tout quand elles n’ont pas été traitées avec beaucoup de soin, laissent des mutilations et surtout des difformités très variées, que l’on ne peut pas toujours prévenir ou empêcher complè¬ tement, quelques précautions que l’on prenne.

A l’ouverture des cadavres des sujets morts à la suite de brûlure , on a trouvé des épanchemens sanguinolens et puru- lens dans les articulations des membres brûlés , des conges¬ tions sanguines considérables dans les vaisseaux du cerveau , 'des épanchemens d’un fluide sanguinolent dans les intestins , des traces manifestes d’inflammation dans les membranes sé¬ reuses, et plus souvent encore dans les membranes muqueuses des poumons et du tirbe intestinal.

Traitement. Les indications que l’on a à remplir dans le traitement de la brûlure sont de calmer promptement la dou¬ leur ; de prévenir , autant que possible , le développement de l’inflammation ; de préserver de la mortification les parties qui n’ont pas été immédiatement désorganisées ; de favoriser ou d’opérer en temps opportun la séparation des parties frappées de mort; de prévenir et de combattre les accidens locaux et généraux qui peuvent survenir pendant le traitement de la ma¬ ladie. 11 n’est pas moins important de prévoir de bonne heure les difformités qui peuvent en être les résultats , et de prendre les précautions convenables pour les prévenir.

Lorsque les vêtemens sont encore appliqués sur la partie brûlée , il faut les fendre ou les enlever très lentement , afin de ne pas déchirer et arracher l’épiderme soulevé par la sé¬ rosité. Immédiatement après on plongera, si faire se peut, la partie brûlée , soit dans de l’eau froide pure , soit dans de l’eau végéto-minérale, soit dans de l’eau alcoolisée ou légère¬ ment acidulée , ou on la couvrira avec des linges qui en seront imbibés , et qu’il faudra humecter presque continuellement pendant un temps assez long pour calmer la sensation de cha¬ leur âcre qu’a produite la brûlure. On peut aussi employer, pour remplir la même indication , l’éther , l’alcool , les solu¬ tions de sulfate de fer, d’alun, l’encre, la saumure. Ces der¬ niers liquides conviennent peu lorsque les papilles nerveuses sont à nu ; ils augmentent alors la douleur, au lieu de la cal-

Dict, de Méd, vi. 6

82 BROtURE.

mer. Les terres ferrugiueuses arrosées avec du vinaigre, la pulpe de pomme de terre crue , et celle des différens fruits acerbes, peuvent être aussi employées avec avantage quand l’épiderme n’est pas enlevé. Quelques auteurs conseillent d’ar¬ roser la partie brûlée avec de l’ammoniaque affaiblie ; l’emploi de ce topique nous paraît offrir trop d’inconvéniens pour en conseiller l’usage.

La première indication à remplir, avons-nous dit, est de calmer la douleur violente qui accompagne ordinairement les brûlures. Beaucoup de topiques, comme on vient de le voir, ont été conseillés et sont employés pour obtenir ce résultat; mais aucun d’eux ne possède la propriété d’assoupir aussi rapide¬ ment les souffrances que le coton. Ce moyen, qui est d’un usage vulgafre en Écosse, a été expérimenté d’une manière suivie, pour la première fois , par le docteur Anderson, de Glascovv. Les résultats pratiques qu’il a obtenus sont trop im- portans pour que nous ne les fassions pas connaître ici avec quelques détails. Les expériences ont été faites publiquement à rhôpital de Glascow.

Le coton a été appliqué sur des brûlures de tous les degrés, depub la simple rubéfaction de la peau, jusqu’à la désorgani¬ sation complète de cette membrane et des tissus sous-jacens. Dans tous les cas, l’application du coton a calmé subitement les douleurs et l’agitation qui existaient. Chez quelques ma¬ lades qui avaient été traités antérieurement pour d’autres brûlures , par des moyens différens , le docteur Anderson a pu s’assurer qu’ils n’avaient point éprouvé alors un soulagement aussi prompt. Dans plusieurs cas de brûlures très étendues du tronc, avec escarres larges et profondes, qui mettaient la vie du malade en danger, le coton appliqué peu après l’accident a calmé presque aussitôt la douleur, et produit un tel soulage¬ ment, que le pouls perdit de sa fréquence, la chaleur géné¬ rale diminua sensiblement, l’anxiété disparut, et fut suivie d’un sommeil réparateur. Un des effets immédiats du coton est d’arrAter en quelque sorte l’inflammation à son début, de pré¬ venir ainsi les altérations qu’elle pourrait entraîner, et consé¬ quemment les difformités qui résultent toujours d’une cica¬ trice enfoncée et adhérente. Un ouvrier mineur avait eu les mains, une partie des bras et des jambes , ainsi que la face, brû¬ lées profondément par l’explosion subite de l’hydrogène car-

boné ; toutes ces parties furent recouyertes de coton , qu’on laissa appliqué pendant quatorze ou quinze jours. En l’enlevant à eette époque , on trouva au dessous les plaies cicatrisées en partie ; leur centre n’était pas excavé , mais recouvert de bour¬ geons cbarnus, qui étaient au niveau de la peau environnante : la guérison fut complète au bout d’un mois , et sans diffor¬ mités. Sur une jeune fille dont les deux jambes avaient été brûlées au même degré, on employa comparativement le trai¬ tement par le coton sur une jambe , et l’autre fut pansée avec l’huile et l'eau de chaux : la première était entièrement guérie le 21® jour, tandis que la seconde était encore, à cette époque, très enflammée , douloureuse , et toutes les plaies qui la re¬ couvraient ne furent cicatrisées qu’au bout de trois mois.

Nous avons déjà dit que le pronostic des brûlures étendues qui désorganisent toute l’épaisseur de la peau, est toujours fort grave, et que lorsque les malades ne succombent pas à l’épuisement qui snif. une suppuration abondante long-temps continuée, la cicatrice de ces brûlures profondes est, le plus souvent, très difforme, et gêne quelquefois les mouvemens d’un membre. L’application da colon peut prévenir alors en grande partie ces accidens. ün charretier, aux vêtemens du¬ quel le feu avait pris, eut presque tout le dos, une grande partie du côté droit, tellement brûlés, que la peau ressemblait à un cuir tanné et sec ; une partie de la jambe droite , et presque toute la cuisse gauche , ainsi que le genou , étaient également profondément brûlés. Le malade ne fut apporté à l’hôpital de Glascow que trois jours après cet accident. Le docteur Anderson fit enduire toutes les parties brûlées avec de l’huile de téré¬ benthine, puis on les recouvrit immédiatement de colon. Dès ce jour le malade cessa de souffrir, et dormit tranquillement. L’abondance de la suppuration obligea d’enlever une partie du coton à plusieurs reprises , et après la chute des escarres on le renouvelait une fois par semaine. Enfin , la guérison était parfaite après trois mois de traitement , et les cicatrices n’en¬ traînèrent aucune difformité.

Quant à la manière d’employer le coton , ce praticien le fait carder et disposer en couches assez minces pour être transpa¬ rentes. Quand la brûlure a fait naître des vésicules ou des bul¬ les plus ou moins grosses , M. Anderson fait d’abord évacuer la sérosité qu’elles renferment, et laver les parties avec de l’eau

BRtII.ÏjRE.

tiède. Si la peau est plus profondément brûlée , il préfère l’al¬ cool de lavande ou l’huile essentielle de térébenthine en lotions sur les parties malades. On les recouvre ensuite de plusieurs couches de coton, de manière à les garantir de toute compres¬ sion et de mouvemens ; souvent il fait maintenir le coton avec un bandage convenable. Quand }a suppuration est tellement abondante dans un ou plusieurs points , qu’elle vient suinter à travers de la couche qui la recouvre, ou , comme cela arrive dans la saison chaude, si elle répand une odeur fétide , insup¬ portable pour le malade et ceux qui l’approchent , il faut rem¬ placer le coton ainsi humecté de pus par de nouvelles couches fraîchement cardées , en ayant soin de faire ce changement avec promptitude , afin de laisser la surface enflammée le moins long-temps possible en contact avec l’air. Mais comme il est toujours important d’obliger le malade à garder le repos le plus absolu pendant les premiers temps , on doit eu général laisser le premier appareil en place le plus long-temps pos¬ sible , malgré les plaintes du malade , incommodé par l’odeur désagréable qui s’exhale de ses plaies. (Glascow, Journ.,

mai 1828 ; Annali univ. di med. , août même année. )

On a aussi employé à la manière du coton les aigrettes soyeuses. du typha. On peut croire que la première indication de cette plante , comme topique dans les brûlures , a été pulsée dans Dioscoride , qui conseille l’application de cette fleur mêlée à de l’axonge (lib. 3, cap. 133). Nous pensons que si l’on voulait se servir du duvet du typha il faudrait l’appliquer comme le coton , le laisser le plus long-temps possible sur les parties brûlées , et ne pas l’enlever et le renouveler tous les jours. En plaçant sur les plaies une couche un peu épaisse de ce duvet soyeux, on évitera des pansemens trop rappochés , qui retardent la cicatrisation : comme le coton, ce duvet cal¬ me rapidement les douleurs de la brûlure. ( Vignal, Thèses de Pm«, 1833.)

Le traitement de la brûlure par la seule application du co¬ ton, qui était fort en usage chez les Grecs , suivant M. Ander¬ son, a été employé en France depuis plusieurs années, et avec succès.. Çe qui .est.inçontestable, et ce qui a été constaté sur¬ tout , c’est la -rapidité avec laquelle la douleur est calmée. Quoique nous ayons vérifié, dans plusieurs circonstances les bons effets du coton eu l’appliquant nousmièmes, et qu’au-

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jORrd’hui certain nombre de nos confrères s’en soient servis avec les mêmes avantages, ce ne serait pas seulement simplifier le traitement des brûlures , mais bien le réduire à un empi¬ risme aveugle et routinier, que de penser qu’il doit à lui seul constituer tous les moyens curatifs auxquels il convient de recourir alors , et qu’il faut désormais rejeter tous ceux dont l’expérience a depuis long-temps aussi constaté l’efficacité.

Cette opinion , à laquelle le docteur Anderson paraît con¬ duit par ses observations , est d’autant moins admissible , que les effets des différens topiques conseillés et appliqués jusqu’à présent dans les brûlures , n’ont pas été étudiés comparative¬ ment avec le coton, de manière à démontrer que ce dernier leur est supérieur dans tous les cas possibles. Nous allons donc ex¬ poser actuellement les divers modes de traitement dont on a fait jusqu’ici le plus généralement usage.

Des auteurs très recommandables , parmi lesquels on peut citer Paré, Fabrice de Hilden, Heister, Gallisen, assurent qu’en